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-132 DIALOGUES CHRÉTIENS.

gion surprise s'est alarmée trop légèrement, rendront justice aux vues utiles de ces hommes éclairés, qui travaillaient à la gloire de la nation en instruisant l'univers. L'Europe entière demande avec tant d'empressement la continuation de cet ouvrage qu'ils seront forcés de se rendre à ce cri générale

LE PRÊTRE.

Vous nous citez sans cesse les Anglais, et c'est le mot de ral- liement des philosophes ; yous avez pris à tâche de louer cette nation féroce, impie et hérétique ; vous voudriez avoir comme eux le privilège d'examiner, de penser par vous-mêmes, et arra- cher aux ecclésiastiques le droit immémorial de penser pour vous et de vous diriger. Vous voulez qu'on admire des gens qui sont nos ennemis de toute éternité, qui désolent nos colonies, et qui ruinent notre commerce; vous ne vous contentez donc pas d'être infidèles à la religion, vous l'êtes encore à l'État! Le mi- nistère aura peut-être la faiblesse de fermer les yeux sur votre trahison, mais nous trouverons les moyens de vous punir.

On ne prononcera plus de discours à l'Académie qui ne soit une satire des philosophes anglais, et l'on n'adoptera dans le con- seil de Versailles aucune des maximes de celui de Kensington^ l'encyclopédiste.

Ce sera bien fait. Mais c'est assez parler des Anglais ; et pour abréger notre conversation, dites-moi, je vous prie, d'où vient votre déchaînement contre les encyclopédistes? Avez-vous lu leur ouvrage avec attention?

LE PRÊTRE.

Non assurément; je ne suis pas assez scélérat pour avoir souillé mon esprit de la lecture d'un ouvrage aussi profane : je n'en ai pas lu un mot, je n'en lirai jamais rien ; je me contenterai de le décrier dans mon journal, et de faire imprimer toutes les

i. Les deux premiers volumes de l'Encyclopédie avaient paru en 1751; un arrêt du conseil, du 7 février 1752, en suspendit l'impression. Ce ne fut qu'à la fin de 1753 qu'on leva la défense. Le tome III parut dès cette année; le tome IV, en 1754; le cinquième, en 1755; le sixième, en 1756; le septième, en 1757. (Le dernier mot de ce volume est Gytuiim, ville du Péloponùse.) Ces volumes ayant été dénoncés au parlement, cette compagnie, par un arrêt du 23 janvier 1759, ordonna la nomination de commissaires pour les examiner, ainsi que d'autres ouvrages. Un nouvel arrêt du février nomma des examinateurs. Le chancelier, jaloux de son autorité, fit alors rcndi'e l'arrêt du conseil du 8 mars 1750, qui révoque le privilège obtenu le 21 janvier 17iG pour l'impression de VEncijclo- pédie. Le tome VIII ne vit le jour qu'en 1765, etc. Les déclamations du clergé ne cessèrent pas ; mais, grâces à MM. de Choiseul, de Malesherbes, etc., etc., l'entre- prise vint à sa fin. (B.)

2. Habitation royale en Angleterre, comme était alors Vcrsaille en France.

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