sons. Toute cette guerre divertissait le public aux dépens des parties belligérantes, et c’était le seul fruit qu’on en pût retirer,
La chose devint sérieuse quand Rousseau eut fait cinq couplets atroces, sur un air d’opéra, contre la plupart de ses ennemis’. Ces couplets, qu’il récita imprudemment, devinrent publics. Malheureusement pour lui, un nommé de Brie, qui était devenu son ami et son confident, lui conseilla de faire de nouveaux couplets, et de les envoyer par des inconnus aux intéressés mêmes. On ne pouvait donner un conseil plus détestable : il semblait même qu’il fût dicté par la haine, car Rousseau avait fait contre ce de Brie les épigrammes les plus violentes, dans lesquelles il l’avait traité de fesse-matthieu-. Cependant il est vrai que de Brie haïssant encore plus tous ceux qui lui avaient témoigné du mépris au café de la Laurent, et s’étant réconcilié avec Rousseau, auquel même je sais qu’il prêta quelque argent, non-seulement il lui conseilla de faire les couplets qui commencent ainsi:
Que de mille sots réunis
Pour jamais le café s’épure ;
Que l’insipide Dionis
Porte ailleurs sa plate figure;
mais il en porta lui-même une copie chez Oghières, qui eut la discrétion de la jeter au feu. C’est ce qui m’a été confirmé par un parent de de Brie, qui fut témoin de tout ce scandale, et qui conjura le sieur Oghières de n’en parler jamais.
Enfin les derniers couplets parurent. M. de Crébillon y fut attaqué dans ses mœurs d’une manière affreuse ^ qui lui fit même assez de tort, et qui ne contribua pas peu à lui fermer encore longtemps les portes de l’Académie : tant les hommes sont injustes! Il faut remarquer que Rousseau ayant su par de Brie que le Suisse Oghières, en jetant au feu les premiers couplets, avait dit que l’auteur, quel qu’il fût, méritait le carcan et les galères, plaça Oghières lui-même dans les derniers qui firent tant de bruit. Tout cela est si vrai que, dans le procès criminel que Rousseau osa intenter au sieur Saurin, géomètre de l’Académie des sciences, au sujet de ces couplets infâmes, de Brie fut le seul qui accompagna Rousseau devant les juges. Ils poursuivirent ensemble l’affaire entamée pour perdre les sieurs Saurin et Lamotte; et
i. Voyez tome XXII, pages 334, 342 et suiv.
2. Voyez tome XXII, page 3i4.
3. Il y est appelé : bougr., bard...., maquer.... (B.)