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400 HISTOIRE

petites filles qu'ils rencontrent, et les font jeûner au pain et à l'eau jusqu'à ce qu'elles soient obligées de s'abandonner aux joueurs qui se tiennent dans la maison. — Hélas! ne t'a-t-on pas mise au pain et à l'eau, ma chère nièce ? — Oui, ma tante. » On lui demande si ces deux brigands n'ont point abusé d'elle, et si on ne l'a pas prostituée. Elle répond qu'elle s'est défendue, qu'on l'a accablée de coups, et que sa vie a été en péril. Alors la tante et les voisines recommencèrent à crier et à pleurer.

On mena aussitôt la petite Canning chez un monsieur Adam- son, protecteur de la famille depuis longtemps : c'était un homme de bien qui avait un grand crédit dans sa paroisse. Il monte à cheval avec un de ses amis aussi zélé que lui ; ils vont re- connaître la maison de M™^ Web; ils ne doutent pas, en la voyant, que la petite n'y ait été renfermée; ils jugent même, eu apercevant une petite grange où il y a du foin, que c'est dans cette grange qu'on a tenu Elisabeth en prison. La pitié du bon Adamson en augmente : il fait convenir Elisabeth, à son retour, que c'est là qu'elle a été retenue ; il anime tout le quartier ; on fait une souscription pour la jeune demoiselle si cruellement traitée.

A mesure que la jeune Canning reprend son embonpoint et sa beauté, tous les esprits s'échauiTent pour elle. M. Adamson fait présenter au shérif une plainte au nom de l'innocence outragée. M"" Web et tous ceux de sa maison, qui étaient tranquilles dans leur campagne, sont arrêtés, et mis tous au cachot.

M. le shérif, pour mieux s'instruire de la vérité du fait, com- mence par faire venir chez lui amicalement une jeune servante de M""' Web, et l'engage par de douces paroles à dire tout ce qu'elle sait. La servante, qui n'avait jamais vu en sa vie miss Canning, ni entendu parler d'elle, répondit d'abord ingénument qu'elle ne savait rien de ce qu'on lui demandait ; mais quand le shérif lui eut dit ([u'il faudrait répondre devant la justice, et qu'elle serait infailliblement pendue si elle n'avouait pas, elle dit tout ce qu'on voulut : enfin les jurés s'assemblèrent, et neuf per- sonnes furent condamnées à la corde.

Heureusement en Angleterre aucun procès n'est secret, parce que le châtiment des crimes est destiné à être une instruction publifjue aux hommes S et non pas une vengeance particulière. Tous les interrogatoires se font à portes ouvertes, et tous les procès intéressants sont imprimés dans les journaux.

1. Voyez pages 375, 397.

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