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XVII.

Lorsqu’une loi est obscure, il faut que tous l’interprètent, parce que tous l’ont promulguée ; à moins qu’ils n’aient chargé plusieurs expressément d’interpréter les lois.

XVIII.

Quand les temps ont sensiblement changé, il y a des lois qu’il faut changer. Ainsi, lorsque Triptolème apporta l’usage de la charrue dans Athènes, il fallut abolir la police du gland. Dans les temps où les académies n’étaient composées que de prêtres, et qu’eux seuls possédaient le jargon de la science, il était convenable qu’eux seuls nommassent tous les professeurs : c’était la police du gland ; mais aujourd’hui que les laïques sont éclairés, la puissance civile doit reprendre son droit de nommer à toutes les chaires.

XIX.

La loi qui permettrait d’emprisonner un citoyen sans information préalable et sans formalité juridique serait tolérable dans un temps de trouble et de guerre ; elle serait tortionnaire et tyrannique en temps de paix.

XX.

Une loi somptuaire, qui est bonne dans une république pauvre et destituée des arts, devient absurde quand la ville est devenue industrieuse et opulente. C’est priver les artistes du gain légitime qu’ils feraient avec les riches ; c’est priver ceux qui ont fait des fortunes du droit naturel d’en jouir ; c’est étouffer toute industrie, c’est vexer à la fois les riches et les pauvres.

XXI.

On ne doit pas plus régler les habits du riche que les haillons du pauvre. Tous deux, également citoyens, doivent être également libres. Chacun s’habille, se nourrit, se loge, comme il peut. Si vous défendez au riche de manger des gélinotes, vous volez le pauvre, qui entretiendrait sa famille du prix du gibier qu’il vendrait au riche. Si vous ne voulez pas que le riche orne sa maison, vous ruinez cent artistes. Le citoyen qui par son faste humilie le pauvre enrichit le pauvre par ce même faste beaucoup plus qu’il ne l’humilie. L’indigence doit travailler pour l’opulence, afin de s’égaler un jour à elle.

XXII.

Une loi romaine qui eût dit à Lucullus : Ne dépensez rien,