Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome24.djvu/428

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aurait dit en effet à Lucullus : Devenez encore plus riche, afin que votre petit-fils puisse acheter la république.

XXIII.

Les lois somptuaires ne peuvent plaire qu’à l’indigent oisif, orgueilleux et jaloux, qui ne veut ni travailler, ni souffrir que ceux qui ont travaillé jouissent.

XXIV.

Si une république s’est formée dans des guerres de religion, si dans ces troubles elle a écarté de son territoire les sectes ennemies de la sienne, elle s’est sagement conduite, parce qu’alors elle se regardait comme un pays environné de pestiférés, et qu’elle craignait qu’on ne lui apportât la peste. Mais lorsque ces temps de vertige sont passés, lorsque la tolérance est devenue le dogme dominant de tous les honnêtes gens de l’Europe, n’est-ce pas une barbarie ridicule de demander à un homme qui vient s’établir et apporter ses richesses dans notre pays : Monsieur, de quelle religion êtes-vous ? L’or et l’argent, l’industrie, les talents, ne sont d’aucune religion.

XXV.

Dans une république digne de ce nom, la liberté de publier ses pensées est le droit naturel du citoyen. Il peut se servir de sa plume comme de sa voix ; il ne doit pas être plus défendu d’écrire que de parler, et les délits faits avec la plume doivent être punis comme les délits faits avec la parole : telle est la loi d’Angleterre, pays monarchique, mais où les hommes sont plus libres qu’ailleurs parce qu’ils sont plus éclairés.

XXVI.

De toutes les républiques, la plus petite semblerait devoir être la plus heureuse, quand sa liberté est assurée par sa situation, et que l’intérêt de ses voisins est de la conserver. Le mouvement semble devoir être plus facile et plus uniforme dans une petite machine que dans une grande, dont les ressorts sont plus compliqués, et où les frottements plus violents interrompent le jeu de la machine. Mais comme l’orgueil entre dans toutes les têtes, comme la fureur de commander à ses égaux est la passion dominante de l’esprit humain, comme, en se voyant de plus près, on se peut haïr davantage, il arrive quelquefois qu’un petit État est plus troublé qu’un grand.