Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome24.djvu/434

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On a brûlé ce livre chez nous[1]. L’opération de le brûler a été aussi odieuse peut-être que celle de le composer. Il y a des choses qu’il faut qu’une administration sage ignore. Si ce livre était dangereux, il fallait le réfuter. Brûler un livre de raisonnement c’est dire : Nous n’avons pas assez d’esprit pour lui répondre. Ce sont les livres d’injures qu’il faut brûler, et dont il faut punir sévèrement les auteurs, parce qu’une injure est un délit. Un mauvais raisonnement n’est un délit que quand il est évidemment séditieux.

XL.

Un tribunal doit avoir des lois fixes pour le criminel comme pour le civil ; rien ne doit être arbitraire, et encore moins quand il s’agit de l’honneur et de la vie que lorsqu’on ne plaide que pour de l’argent.

XLI.

Un code criminel est absolument nécessaire pour les citoyens et pour les magistrats. Les citoyens alors n’auront jamais à se plaindre des jugements, et les magistrats n’auront point à craindre d’encourir la haine : car ce ne sera pas leur volonté qui condamnera, ce sera la loi. Il faut une puissance pour juger par cette loi seule, et une autre puissance pour faire grâce.

XLII.

À l’égard des finances, on sait assez que c’est aux citoyens à régler ce qu’ils croient devoir fournir pour les dépenses de l’État ; on sait assez que les contributions doivent être ménagées avec économie par ceux qui les administrent, et accordées avec noblesse dans les grandes occasions. Il n’y a sur cet article nul reproche à faire à notre république.

XLIII.

Il n’y a jamais eu de gouvernement parfait, parce que les hommes ont des passions ; et s’ils n’avaient point de passions, on n’aurait pas besoin de gouvernement. Le plus tolérable de tous est sans doute le républicain, parce que c’est celui qui rapproche le plus les hommes de l’égalité naturelle. Tout père de famille doit être le maître dans sa maison, et non pas dans celle de son voisin. Une société étant composée de plusieurs maisons et de

  1. Le Contrat social n’a pas été brûlé en France, mais il l’a été à Genève, et c’est un Genevois qui est censé parler dans les Idées républicaines. (B.)