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PRÉFACE.

mon manuscrit historique ; il y en eut même plusieurs chapitres imprimés dans le Mercure de France[1] : on les recueillit ensuite sous différents titres. Enfin en 1753, un libraire de la Haye s’avisa d’acheter quelques chapitres très-informes de ce manuscrit, qu’un homme peu scrupuleux ne fit point difficulté de lui vendre. Le libraire crut que ces chapitres contenaient une suite complète, depuis Charlemagne jusqu’au règne de Charles VII, roi de France ; et il imprima ce recueil tronqué et imparfait, sous le titre trompeur d’Abrégé de l’histoire universelle, depuis Charlemagne jusqu’à Charles-Quint. Je faisais alors imprimer le premier tome des Annales de l’Empire, et j’avais pris dans un de mes manuscrits de mon Histoire universelle, que j’avais trouvé à Gotha, de quoi m’aider dans ces Annales.

Surpris de voir, dans les gazettes, cette prétendue histoire universelle annoncée sous mon nom, et n’ayant point encore reçu ce livre, qui se vendait publiquement en Hollande et à Paris, tout ce que je pus faire, ce fut de rendre compte, dans la préface[2] des Annales de l’Empire, de la plupart des choses dont je viens de parler.

Bientôt après, cette prétendue Histoire universelle imprimée à la Haye parvint entre mes mains, et j’y trouvai plus de fautes que de pages. C’est Amédée de Genève, pour Robert fils d’Amédée ; c’est Louis aîné de Charlemagne, pour Louis aîné de la maison de Charlemagne. On voit un évêque d’Italie, au lieu d’un évêque en Italie ; un évêque de Palestine, au lieu d’un évêque de Ptolémaïde en Palestine ; Clément IV, pour Innocent IV ; Abougrafar, au lieu d’Abougiafar ; Darius fils d’Hidaspes, pour fils d’Histaspe ; c’est la précision des équinoxes, c’est la valeur du climat, au lieu de la chaleur. On y trouve le minime Aldobrandin, au lieu du moine Aldobrandin, quatre cents ans avant qu’on eût des minimes. On réimprima ce livre à Paris, sous le nom de Jean Nourse, avec toutes les mêmes erreurs. On s’empressa de le réimprimer à Genève et à Leipsig. J’envoyai un errata tel que je pus le faire à la hâte, n’ayant pas le manuscrit original sous mes yeux.

Ayant fait enfin venir cet ancien manuscrit original de Paris, je fus indigné de voir combien le livre donné au public était différent du mien. Ce n’est qu’un extrait défectueux de mon ouvrage. Les titres des chapitres ne se ressemblent seulement pas.

  1. Voyez les notes 1 et 2 de la page 32.
  2. Ce que Voltaire appelle ici préface des Annales de l’Empire est la lettre À M. de***, professeur en histoire, qu’on a vue page 29.