LUCRKGE ET POSIDOMUS. 67
pensants par eux-mêmes, il faudrait que la pensée fût un attribut nécessaire essentiel à toute matière ; que si la matière pensait nécessairement par elle-même, toute matière serait pensante ; or cela n'est pas : donc il est insoutenable d'admettre une succession d'êtres matériels pensants par eux-mêmes.
LUCRÈCE.
Ce raisonnement, que vous répétez, n'empêche pas quim père ne communique une âme à son fils en formant son corps. Cette âme et ce corps croissent ensemble ; ils se fortifient, ils sont assujettis aux maladies, aux infirmités de la vieillesse. La déca- dence de nos forces entraîne celle de notre jugement; l'effet cesse enfin avec la cause, et l'âme se dissout comme la fumée dans les airs.
Praeterea,'gigni pariter cuiu corpore, et una Crescere sentimus, pariterque senescere mentem : Nam velut infirmo pueri teneroque vaganlur Corpore, sic animi sequitur sententia tenuis. Inde, ubi robustis adolevit viribus setas, Consilium quoque majus, et auctior est animi vis: Post, ubi jam validis quassatum est viribus aevi Corpus, et obtusis ceciderunt viribus artus, Claudicat ingeniurn, délirât linguaque mensqiie; Omnia deficiunt, atque uno tempore desunt. Ergo dissolvi quoque convenit omnera animai Naturam, ceu fumus in altas aeris auras : Quandoquidem gigni pariter, pariterque videlur Crescere: et. ut docui, simul œvo fessa fatiscit.
(Liv. III, T. 416.) POSIDOMLS,
Voilà de très-beaux vers ; mais m'apprenez-vous par là quelle est la nature de l'àme?
LUCP.ÎiCE,
Non, je vous fais son histoire, et je raisonne avec quelque vraisemblance.
POSIDOMLS.
Où est la vraisemblance qu'un père communique à son fils la faculté de penser ?
LL'CPii;CE.
Ne voyez-vous pas tous les jours que les enfants ont des incli- nations de leurs pères, comme ils eu ont les traits ?
POSIDONIUS.
Mais un père en formant son fils n'a-t-il pas agi comme un instrument aveugle ? A-t-il prétendu faire une âme, faire des
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