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DU CARDINAL DE RICHELIEU. 281

comme un domestique parle souvent avec fierté au nom de son maître.

« Mais, monsieur, quel service rendrait-on aux hommes en voulant mettre sous le nom d'un prêtre, d'un évêque, d'un grand ministre, des maximes impitoyal^les? Nous vivons sous un roi doux, bienfaisant, indulgent ; mais il se peut faire que dans la suite des siècles la nation ait des souverains moins remplis d'hu- manité. Ne seront-ils pas encouragés à la dureté, à l'abus de la suprême puissance, quand ils croiront que le plus grand ministre de l'Europe a conseillé à son maître de ne point pardonner, de dépouiller tous les magistrats qui consument leur vie à étudier et à maintenir les lois, qui exercent une des plus nobles fonctions de la royauté, et qui n'ont d'autre récompense de leurs travaux que leurs travaux mêmes ; de les dépouiller, dis-je, de leurs droits et de leurs privilèges ; enfin de faire payer la taille aux parle- ments, aux chambres des comptes, au grand conseil, etc.; et d'enrôler la noblesse comme des paysans? Ces deux propositions, aussi tyran niques qu'extravagantes, n'auraient-elles pas dû suffire pour dessiller les yeux ?

« Non-seulement je vous soumets, monsieur, toutes les raisons que j'ai alléguées, mais j'en appelle à toutes celles que votre bon esprit vous fournit; je réclame l'intérêt du genre humain. Remercions à jamais le juste, le modéré, l'élégant précepteur du duc de Bourgogne, d'avoir écrit le Télémaque, et souhaitons que le cardinal de Richelieu n'ait point écrit ce testament.

(( Vous avez un cœur digne de votre génie : que l'un et l'autre s'unissent pour daigner m'éclairer si je me trompe. »

M. de Foncemagne a travaillé depuis à m'éclairer ; il a cherché partout des copies du Testament politique; il a fait réimprimer ce célèbre ouvrage, et l'a rendu encore plus célèbre par ses remar- ques ^ Je prends la liberté de lui demander de nouvelles instruc- tions, et j'entre en matière.

��1. Il est très -possible, comme le dit ici Voltaire, que Foncemagne soit l'au- teur des Remarques ajoutées à l'édition du Testament, faite en 1704 ( voyez la note, page 277 ), quoique en général on les dise de Marin, qui peut n'être que l'éditeur. (B.)

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