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DU CARDINAL DE RICHELIEU. 293

l'ai ouï dire plusieurs fois dans mon enfance, et à qui je dois d'avoir été placé dans le testament de Ninon, testament beaucoup plus sûr que celui dont il est question. C'est enfin celui dont les amours sont décrits avec tant de naïveté par le cardinal de Retz, son rival auprès de M"'" de La Meilleraie, et son rival heureux.

Ce n'est pas assurément que je prétende reprocher à un mi- nistre ses galanteries ; je sais combien il est permis à un grand homme, qui a pris une ville réputée imprenable et qui a rendu des services à la patrie, de joindre les plaisirs aux travaux; mais combien il eût été ridicule au cardinal, combien même dange- reux, de parler de chasteté à Louis XIII, qui devait être très- instruit du tour que lui avait joué M'" du Fargis, dame d'atour de la reine! Consultez, sur cette aventure et sur tant d'autres, les Mémoires du cardinal de Retz, dans les premières pages du pre- mier livre de ces mémoires. Ne dites point que les amours du cardinal avec Marion Delorme « ne sont connues que par les mé- moires intitulés Galanterie depuis le commencement de la Monarchie, et par le Dictionnaire deBayle ». Voyez ce que le cardinal de Retz en dit à l'endroit déjà cité, et ce qu'il ajoute sur M"'^ de Fruge.

Le cardinal de Retz, archevêque de Paris, parle de ses amours avec autant de vérité que de celles du cardinal de Richelieu; mais il ne donne de leçon de chasteté à personne.

Quis tulerit Gracchos de seditionc querentes?

(JuvEN., sat. II, V. 24.)

N'est-il donc pas de la plus extrême vraisemblance que l'abbé de Rourzeis, ayant fait la Narration succincte, que le cardinal cor- rigea très-succinctement, s'avisa depuis de travailler de lui-même, et de joindre ses rêveries à la narration dont il était l'auteur? Il était le Colletet de la politique.

C'est le premier sentiment de M. de Foncemagne, c'est le mien ; et je m'en rapporte au lecteur dont le jugement est sans prévention.

RÉFLEXION.

J'aurais souhaité que M. de Foncemagne, en me réfutant, ou plutôt en m'instruisant, s'en fut rapporté seulement à ce qui est publié dans le tome IV de mes faibles ouvrages S imprimés à

1. C'est le volume intitulé Mélanges de littérature, d'histoire et de philoso- phie, 1757, in-S", qui contenait, aux chapitres xlvi-xlviii, les écrits qui sont dans la présente édition, tome XXIII, pages 429-456.

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