Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome25.djvu/371

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ciennes prophéties qui n’existaient pas ; ils ont cité des passages de nos quatre Évangiles, qui ne sont point dans ces Évangiles ; ils ont forgé des lettres de Paul à Sénèque, et de Sénèque à Paul[1] ; ils ont supposé même des lettres de Jésus-Christ ; ils ont interpolé des passages dans l’historien Josèphe pour faire accroire que ce Josèphe, non-seulement fit mention de Jésus, mais même le regarda comme le Messie, quoique Josèphe fût un pharisien obstiné ; ils ont forgé les Constitutions apostoliques, et jusqu’au Symbole des apôtres. Il est donc évident qu’ils n’étaient qu’une troupe de demi-Juifs, d’Égyptiens, de Syriens, et de Grecs factieux, qui trompaient une vile populace par les plus infâmes impostures. Ils n’avaient à combattre que des Gentils abrutis par d’autres fables ; et les nouvelles fables des chrétiens l’emportèrent enfin sur les anciennes, quand ils eurent prêté de l’argent à Constance Chlore et à Constantin son fils. Voilà, dit-on, l’histoire naturelle de l’établissement du christianisme : ses fondements sont l’enthousiasme, la fraude, et l’argent.

C’est ainsi que raisonnent les nombreux partisans de Celse, de Porphyre, d’Apollonius, de Symmaque, de Libanius, de l’empereur Julien, de tous les philosophes, jusqu’au temps des Pomponace, des Cardan, des Machiavel, des Socin, de milord Herbert, de Montaigne, de Charron, de Bacon, du chevalier Temple, de Locke, de milord Shaftesbury, de Bayle, de Wollaston, de Toland, de Tindal, de Collins, de Woolston, de milord Bolingbroke, de Middleton, de Spinosa, du consul Maillet, de Boulainvilliers, du savant Fréret, de Dumarsais, de Meslier, de La Métrie, et d’une foule prodigieuse de déistes répandus aujourd’hui dans toute l’Europe, qui, comme les Musulmans, les Chinois, et les anciens Parsis, croiraient insulter Dieu s’ils lui supposaient un fils qui ait fait des miracles dans la Galilée.

On croit nous terrasser par l’appareil de ces armes brillantes ; mais ne nous décourageons pas. Voyons si les chrétiens sont coupables de ces crimes de faux dont on les accuse.

Je ne parlerai ici que des faux évangiles. Ils étaient, dit-on, au nombre de cinquante. On en choisit quatre vers le commencement du iiier siècle. Quatre suffisaient en effet ; mais décida-t-on que tous les autres étaient supposés par des imposteurs ? Non, plusieurs de ces évangiles étaient regardés comme des témoignages très-respectables : par exemple, Tertullien, dans son livre du Scorpion ; Origène, dans son Commentaire sur saint Matthieu ;

  1. Voyez tome XX, pages 190-191.