Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome25.djvu/372

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saint Épiphane, dans sa Trentième Leçon des hérésies des ébionites ; Eustache[1] dans son Hexameron, et beaucoup d’autres, parlent avec un grand respect de l’Évangile de saint Jacques. Il est très-précieux, en ce que c’est le seul où l’on trouve la mort de Zacharie, dont Jésus parle dans saint Matthieu[2]. Cet Évangile sert d’introduction aux autres, et il n’a été probablement négligé que parce qu’il n’était pas assez étendu.

On n’a pas moins respecté celui de Nicodème : les témoignages en sa faveur sont très-nombreux ; mais dans tous ces évangiles qui nous sont restés, il y a autant de miracles que dans les autres. Il est donc évident que tous ceux qui écrivirent des évangiles étaient persuadés que Jésus avait fait un très-grand nombre de prodiges.

L’ancien livre même intitulé Sepher toldos Jeschut, écrit par un Juif contre Jésus-Christ, dès le ier siècle, ne nie point qu’il ait opéré des miracles ; il prétend seulement que Judas, son adversaire, en faisait d’aussi grands, et il les attribue tous à la magie.

Les incrédules disent qu’il n’y a point de magie, que ces prodiges n’étaient crus que par des idiots, que les hommes d’État, les gens d’esprit, les philosophes, s’en sont toujours moqués ; ils nous renvoient au credat Judæus Apella d’Horace[3], à toutes les marques de mépris qu’on prodigua aux Juifs, et aux premiers chrétiens regardés longtemps comme une secte de Juifs ; ils disent que si quelques philosophes, en disputant contre les chrétiens, convinrent des miracles de Jésus, c’étaient des théurgistes fanatiques qui croyaient à la magie, qui ne regardaient Jésus que comme un magicien, et qui, infatués des faux prodiges d’Apollonius de Tyane et de tant d’autres, admettaient aussi les faux prodiges de Jésus. L’aveu d’un fou fait à un autre fou, une absurdité dite à des gens absurdes, ne sont pas des preuves pour les esprits bien faits ; en effet les chrétiens, fondés sur l’histoire de la pythonisse d’Endor et sur celle des enchanteurs d’Égypte, croyaient à la magie comme les païens ; tous les Pères de l’Église, qui pensaient que l’âme est une substance ignée, disaient que cette substance peut être évoquée par des sortilèges : cette erreur a été celle de tous les peuples.

Les incrédules vont encore plus loin : ils prétendent que jamais les vrais philosophes grecs et romains n’accordèrent aux chré-

  1. Eustathe ou Eustathius, auteur du Commentaire sur l’ouvrage des six jours, mort vers le milieu du ive siècle.
  2. xxiii, 35.
  3. Livre Ier, satire v, vers 100.