Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome25.djvu/374

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n’approchent pas des plaies d’Égypte, de la mer Rouge entr’ouverte et suspendue, et du soleil qui s’arrête.

Nous répondons avec tous les bons métaphysiciens : Il n’y a ni petits ni grands miracles, tous sont égaux ; il est aussi impossible à l’homme et aussi aisé à Dieu de guérir d’un mot un paralytique que d’arrêter le soleil ; et sans examiner si les prodiges chrétiens sont plus grands que les prodiges mosaïques, il est sûr que Dieu seul a pu opérer les uns et les autres.


des miracles typiques.

J’appelle miracles typiques ceux qui sont évidemment le type, le symbole de quelque vérité morale. Le docteur Woolston traite avec une indécence révoltante les miracles du figuier séché[1] parce qu’il ne portait pas de figues quand ce n’était pas le temps des figues ; des diables envoyés dans un troupeau de deux mille cochons[2] dans un pays où il n’y avait pas de cochons ; de l’enlèvement de Jésus par le diable sur une montagne[3], dont on découvre tous les royaumes de la terre ; de la transfiguration sur le Thabor[4], etc. ; mais presque tous les Pères de l’Église ne nous avertissent-ils pas du sens mystique que ces narrations renferment ?

Il est ridicule, dit-on, de faire descendre Dieu sur la terre, pour chercher à manger des figues au mois de mars, et pour sécher un figuier qui ne porte point de figues hors du temps des figues. Mais si cela n’est dit que pour avertir les hommes qu’ils doivent en tout temps porter des fruits de justice et de charité, alors il n’y a rien là que d’utile et de sage.

Les diables envoyés dans un troupeau de deux mille cochons signifient-ils autre chose que la souillure des péchés qui vous rabaissent au rang des animaux immondes ? Dieu, qui permet au démon de se saisir de lui et de le transporter sur le haut d’une montagne, dont on voit tous les royaumes, ne nous donne-t-il pas une idée sensible des illusions de l’ambition ? Si le diable tente Dieu, combien plus aisément tentera-t-il les hommes !

J’ose penser que les miracles de cette espèce, qui scandalisent tant d’esprits, sont semblables aux paraboles dont on se servait dans ces temps-là. On sait bien que le royaume des cieux n’est pas un

  1. Matthieu, xxi, 19 ; Marc, xi, 13.
  2. Matthieu, viii, 32 ; Marc, v, 13 ; Luc, viii, 32.
  3. Matthieu, iv, 5 ; Luc, iv, 5.
  4. Matthieu, xvii, 1 ; Marc, ix, 1.