Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome25.djvu/383

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de Rome, que les bénédictins fussent trop riches, qu’Anne Dubourg fût pendu à Paris, et Servet brûlé vif à Genève.

Il en est de même de plusieurs autres miracles. La multiplication de trois poissons et de cinq pains nourrit abondamment cinq mille personnes. Que chacun ait mangé la valeur de trois livres, cela compose quinze mille livres de matières tirées du néant, et ajoutées à la masse commune. Ce sont là, je crois, les plus fortes objections.

C’est à vous, monsieur, de résoudre par une saine philosophie, sans contradiction et sans verbiage, ces difficultés philosophiques, et de montrer qu’il est égal à Dieu que les lois éternelles soient continuées ou suspendues, que les Amorrhéens périssent ou se sauvent, et que cinq mille hommes jeûnent ou repaissent. Dieu a pu, parmi les mondes innombrables qu’il a formés, choisir cette planète, quoique une des plus petites, pour y déranger ses lois ; et si on prouve qu’il l’a fait, nous triomphons de la vaine philosophie. Votre théologie et votre science seront encore moins embarrassées à mettre dans un jour lumineux l’authenticité de tous les miracles de l’Ancien et du Nouveau Testament.


évidence des miracles de l’ancien testament.

Abbadie, en prouvant, comme il a fait, les prodiges de Moïse, est peut-être tombé dans le défaut si commun à tous les auteurs, de supposer toujours ce qu’on examine. Les incrédules recherchent si Moïse a existé ; si un seul des écrivains profanes a parlé de Moïse avant que les Hébreux eussent traduit leurs histoires en grec ; si l’homme dont les Hébreux ont fait leur Moïse n’était pas ce Misem des Arabes, tant célébré dans les vers orphiques, et dans les anciennes orgies de la Grèce, avant que les nations eussent entendu parler de Moïse. Ils recherchent pourquoi Flavius Josèphe, en citant les auteurs égyptiens qui ont parlé de sa nation, n’en cite aucun qui ait dit un seul mot des miracles de Moïse. Ils croient que les livres qui lui sont imputés n’ont pu être écrits que sous les rois juifs, et ils se fondent, quoique mal à propos, sur des passages de ces mêmes livres.

Abbadie, au lieu de sonder toutes ces profondeurs, tire son grand argument de ce que Moïse n’aurait jamais pu dire à six cent trente mille combattants que la mer s’était ouverte pour eux afin qu’ils pussent s’enfuir, si ces six cent trente mille hommes n’en avaient été témoins ; et c’est précisément ce qui est en