Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome25.djvu/430

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moins les louanges de Dieu ? notre musique en sera-t-elle moins mauvaise ? ne remplirons-nous pas toutes les fonctions de ces messieurs le plus aisément du monde ? et s’il faut prêcher, n’avons-nous pas chez nous des babillards qui parlent dans nos cercles un quart d’heure de suite sans rien dire, et qui sont insupportables[1] ?

Pourquoi donc tant faire le fier quand on est prêtre ? encore passe si ces messieurs faisaient des miracles ; s’ils rajeunissaient M. Abauzit[2] ; s’ils guérissaient M. Bonnet de sa surdité ; s’ils donnaient un bon déjeuner à toute la ville avec cinq pains et trois poissons ; s’ils délivraient des esprits malins M. G… et M. F….[3], qui ont certainement le diable au corps, nous serions fort contents d’eux, et ils auraient une haute considération. Mais ils se bornent à vouloir être les maîtres, et c’est pour cela qu’ils ne le seront point.

Ils font ce qu’ils peuvent pour ruiner notre commerce de pensées, et pour réduire nos pauvres imprimeurs à l’hôpital. Ils s’y prennent en deux manières : ils font imprimer leurs ouvrages, et ils tâchent d’empêcher que nous n’imprimions les nôtres. Ne pouvant nous faire brûler nous-mêmes, comme Servet et Antoine[4], ils cabalent continuellement pour faire brûler nos livres instructifs et édifiants ; et ils trouvent quelques têtes à perruques qui sont taillées pour les croire. Mes frères, que tous ces vains efforts ne vous empêchent jamais de pousser le commerce. Vivons libres, soutenons nos droits, et buvons du meilleur.


QUATORZIÈME LETTRE.
à m. covelle, citoyen de genève, par m. beaudinet, citoyen de neuchâtel.

Monsieur,

Vos lettres sur les miracles, que vous avez eu la bonté de m’envoyer, m’ont bien fait rire. Je n’aime l’érudition que quand

  1. L’édition originale, celles de 1765, 1767, et l’in-4o, portent insupportables. Dans l’édition encadrée, et dans les éditions de Kehl, on lit supportables. (B.)
  2. Né en 1679, alors âgé de quatre-vingt-six ans, et mort en 1767. Voltaire, dans sa lettre à Damilaville du 12 octobre 1784, le dit auteur de l’article Apocalypse du Dictionnaire philosophique ; voyez tome XVII, page 287.
  3. Les initiales G et F désignent peut-être Guyon et Fréron. (B.) — Peut-être d’autres Genevois.
  4. Voyez, dans le présent volume, le chapitre VII du Commentaire sur le livre Des Délits et des Peines.