et c’est en vertu de ce privilège divin que nous avons été longtemps tout-puissants dans le comté de Neufchâtel, en Écosse, à Genève, et dans plusieurs autres pays. »
Je me recueillis un moment, de peur de me mettre trop en colère, et je lui parlai ainsi :
« Je sais, monsieur, que vous vous êtes arrogé chez nous, dans le siècle passé, le droit de commuer les peines décernées par le conseil, et d’imposer des amendes pécuniaires ; mais, en 1695, ces abus intolérables furent abolis par le gouvernement. Vos pareils ont eu la hardiesse de prendre longtemps le pas sur le conseil d’État dans Genève ; ils entraient au conseil sans se faire annoncer, sans demander permission ; ils dictaient des lois : on a réprimé ces excès ; mais on ne vous a pas encore renfermés dans vos justes bornes.
« Pensez-vous donc que nous ayons secoué le joug des évêques de Rome pour nous en donner un plus pesant ?
« Les meurtres, les empoisonnements, les parricides d’Alexandre VI, l’ambition guerrière et turbulente de Jules II, les débauches et les rapines de Léon X, nous révoltèrent : nous brisâmes l’idole ; mais nous n’avons pas prétendu en adorer une nouvelle.
For priests of all religions are the same[1].
« Eh ! qui êtes-vous donc, vous autres prédicants à manteau ? Qu’avez-vous par-dessus les laïques ? Les apôtres, Jésus même, n’étaient-ils pas laïques ? Jésus forma-t-il jamais un nouvel ordre dans l’État ? Vous a-t-il envoyés à l’exclusion de tous les autres chrétiens ? Montrez-nous quelle suite de prêtres, ordonnés par les apôtres, a transmis le Saint-Esprit jusqu’à vous, de cervelle en cervelle, depuis Jérusalem jusqu’à Neufchâtel. De qui descendez-vous ? du cardeur de laine Jean Leclerc, brûlé à Metz ; de Jean Chauvin[2], qui, s’étant dérobé au bûcher, fit jeter Michel Servet dans les flammes, autrefois allumées pour lui-même ; de Viret, imprimeur à Rouen ; de Farci, de Bèze, de Crespin[3] qui, n’étant point prêtres, n’avaient été ordonnés par personne ; ils ne purent vous donner le Saint-Esprit, qu’ils n’avaient pas, et vous n’auriez été que des bâtards, si le vœu des nations, si la sanction des gouvernements, ne vous avaient légitimés.