Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome25.djvu/493

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
483
JUSTIFIÉ.

Les états de la Ligue, tenus en 1593, furent l’époque la plus célèbre et la plus critique qu’on eût vue en France depuis les temps de Philippe de Valois et de Charles VI. Il s’agissait non-seulement d’abolir la loi salique, comme sous le règne de Philippe, mais de placer une fille sur le trône, et même une fille étrangère. Philippe II promettait cinquante mille hommes pour soutenir l’élection de l’infante Claire-Eugénie, qui devait épouser le fils du duc de Guise le Balafré, tué à Blois.

Le duc de Mayenne, qui avait alors dans Paris la puissance d’un roi de France sans en avoir le titre, allait perdre tout le fruit de la guerre civile, et devenir le premier sujet de son neveu, dont il était jaloux.

Henri IV, sans argent et presque sans armée, ayant contre lui les catholiques, et environné de factions, n’aurait pu résister probablement aux trésors et aux armes de Philippe II, le plus puissant monarque de l’Europe. Le duc de Mayenne sauva la France en ne consultant que ses propres intérêts et sa jalousie contre le jeune duc de Guise. Il était trop roi dans Paris pour ne pas empêcher qu’on lui donnât un roi. Maître du parlement de la Ligue siégeant à Paris, il est très-vraisemblable qu’il engagea sous main ce parlement à rompre les mesures des Espagnols, à protester contre l’élection d’une infante, à soutenir la loi salique. Ce fut principalement ce qui déconcerta les états.

Le président de Thou ne descend pas sans doute jusqu’à rapporter ces harangues basses et ridicules de la Satyre Ménippée, au lieu de rapporter la substance de ce qui fut en effet proposé. Il est trop grave, trop sage, trop instruit, pour dire que la Satyre Ménippée ouvrit les yeux à beaucoup de personnes, et contribua à faire rentrer dans leur devoir une partie de ceux qui s’en étaient écartés[1].

C’est bien mal connaître les hommes que de prétendre qu’une satire empêche des hommes d’État de poursuivre leurs entreprises.

Il est très-certain que la Satyre Ménippée ne parut point pendant la tenue des états ; elle ne fut connue qu’en 1594, plusieurs mois après l’abjuration du roi. La première édition fut commencée sur la fin de l’année 1593, et ne fut achevée que quand le roi fut entré dans Paris. Cela est incontestable, puisque tout l’ouvrage

  1. On lit dans l’ouvrage de Bury, tome II, page 260 : « Cette ingénieuse satire fit un merveilleux effet dans le public : elle fit ouvrir les yeux à beaucoup de personnes… et contribua beaucoup à faire rentrer dans leur devoir une partie de ceux qui s’en étaient écartés. »