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LE PRÉSIDENT DE THOU


ne fut achevé et ne put l’être qu’en 1594 ; car il y est parlé de plusieurs faits qui ne se passèrent que longtemps après la dissolution des états, comme l’aventure du conseiller d’Amour, celle de M. Vitry, du bannissement de d’Aubrai, et du meurtre de Saint-Pol.

M. de Bury croit s’appuyer de l’Abrégé chronologique du président Hénault, qui dit que la Satyre Ménippée ne fut guère moins utile à Henri IV que la bataille d’Ivry ; mais il ajoute peut-être, et il fait très-bien[1].

Ce qui réellement porta le dernier coup aux états, et ce qui mit Henri IV sur son trône, ce fut le parti qu’il prit d’abjurer ; et c’était en effet le seul parti qui restât à sa politique. Le mot si célèbre de ce monarque : Ventre-saint-gris, Paris vaut bien une messe, est une plaisanterie si connue, et en même temps si innocente, surtout dans un temps où la liberté des expressions était extrême, que l’auteur n’a aucune raison de nier cette saillie de Henri IV[2]. Il faudrait, pour être en droit de la nier, rapporter quelque autorité contraire : il n’en produit ni n’en peut produire aucune.

La fameuse lettre de Henri à Gabrielle d’Estrées[3], conservée à la Bibliothèque du roi, est un monument qui confond assez la critique de M. de Bury. Ces mots : « C’est demain que je fais le saut périlleux ; ces gens-ci vont me faire haïr Saint-Denis autant que vous haïssez Monceaux, etc., » sont plus forts que ceux-ci : « Paris vaut bien une messe ; » et son apologie auprès de la reine Élisabeth achève de mettre dans tout son jour le véritable motif de ce grand événement.

Il se fait apparemment un mérite de copier ici le jésuite Daniel, qui dit qu’au temps des conférences de Surène « Henri IV était déjà catholique dans le cœur[4] ». Mais comment pouvait-il être catholique dans le cœur en ce temps-là, puisque pendant le siége de Paris, qui précéda de très-peu ces conférences, le comte de Soissons l’étant venu assurer qu’il serait reçu dans la ville s’il se faisait catholique, il lui répondit deux fois « qu’il ne changerait jamais de religion ». Ce fait est attesté dans plusieurs mémoires,

  1. Hénault, Nouvel Abrégé chronologique de l’Histoire de France (événements remarquables, 1593).
  2. Tome II, page 265, à la note.
  3. Voltaire a cité cette lettre, tome XII, page 546.
  4. « Ce prince, après avoir longtemps balancé par des raisons d’État et de conscience…, était déjà catholique dans le cœur. » (Daniel, Hist. de France, 1756, in-4o, XII, 25.)