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DES MARTYRS.

Il est vrai que, dans les anciens martyrologes, on place presque tous les premiers papes ; mais le mot de martyre n’était pris alors que suivant sa véritable signification : martyre voulait dire témoignage, et non pas supplice.

Il est difficile d’accorder cette fureur de persécution avec la liberté qu’eurent les chrétiens d’assembler cinquante-six conciles que les écrivains ecclésiastiques comptent dans les trois premiers siècles.

Il y eut des persécutions ; mais si elles avaient été aussi violentes qu’on le dit, il est vraisemblable que Tertullien, qui écrivit avec tant de force contre le culte reçu, ne serait pas mort dans son lit. On sait bien que les empereurs ne lurent pas son Apologétique ; qu’un écrit obscur, composé en Afrique, ne parvient pas à ceux qui sont chargés du gouvernement du monde ; mais il devait être connu de ceux qui approchaient le proconsul d’Afrique : il devait attirer beaucoup de haine à l’auteur ; cependant il ne souffrit point le martyre.

Origène enseigna publiquement dans Alexandrie, et ne fut point mis à mort. Ce même Origène, qui parlait avec tant de liberté aux païens et aux chrétiens, qui annonçait Jésus aux uns, qui niait un Dieu en trois personnes aux autres, avoue expressément, dans son troisième livre contre Celse, « qu’il y a eu très-peu de martyrs, et encore de loin à loin. Cependant, dit-il, les chrétiens ne négligent rien pour faire embrasser leur religion par tout le monde ; ils courent dans les villes, dans les bourgs, dans les villages ».

Il est certain que ces courses continuelles pouvaient être aisément accusées de sédition par les prêtres ennemis ; et pourtant ces missions sont tolérées, malgré le peuple égyptien, toujours turbulent, séditieux et lâche : peuple qui avait déchiré un Romain pour avoir tué un chat, peuple en tout temps méprisable, quoi qu’en disent les admirateurs des pyramides[1].

  1. Cette assertion doit être prouvée. Il faut convenir que, depuis que l’histoire a succédé à la fable, on ne voit dans les Égyptiens qu’un peuple aussi lâche que superstitieux. Cambyse s’empare de l’Égypte par une seule bataille ; Alexandre y donne des lois sans essuyer un seul combat, sans qu’aucune ville ose attendre un siége ; les Ptolémées s’en emparent sans coup férir ; César et Auguste la subjuguent aussi aisément ; Omar prend toute l’Égypte en une seule campagne ; les Mameluks, peuple de la Colchide et des environs du mont Caucase, en sont les maîtres après Omar ; ce sont eux, et non les Égyptiens, qui défont l’armée de saint Louis, et qui prennent ce roi prisonnier. Enfin, les Mamelucks étant devenus Égyptiens, c’est-à-dire mous, lâches, inappliqués, volages, comme les habitants naturels de ce climat, ils passent en trois mois sous le joug de Sélim Ier, qui fait