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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome25.djvu/79

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SI L’INTOLÉRANCE FUT DE DROIT DIVIN.

tabernacles, nulle prière publique établie ; enfin la circoncision, ce sceau de l’alliance de Dieu avec Abraham, ne fut point pratiquée.


    famille dont cinq étrangères étaient la tige, pour faire voir que les nations étrangères auraient part à son héritage.

    Le rabbin Aben-Hezra fut, comme on l’a dit [page 67], le premier qui osa prétendre que le Pentateuque avait été rédigé longtemps après Moïse : il se fonde sur plusieurs passages. « Le Chananéen [Genèse, xv, 6] était alors dans ce pays. La montagne de Moria [II. Paralip., iii, 1], appelée la montagne de Dieu. Le lit de Og, roi de Bazan, se voit encore en Rabath, et il appela tout ce pays de Bazan les villages de Jaïr, jusqu’aujourd’hui. Il ne s’est jamais vu de prophète en Israël comme Moïse. Ce sont ici les rois qui ont régné en Édom [Genèse, xxxvi, 31] avant qu’aucun roi régnât sur Israël. » Il prétend que ces passages, où il est parlé de choses arrivées après Moïse, ne peuvent être de Moïse. On répond à ces objections que ces passages sont des notes ajoutées longtemps après par les copistes.

    Newton, de qui d’ailleurs on ne doit prononcer le nom qu’avec respect, mais qui a pu se tromper puisqu’il était homme, attribue, dans son introduction à ses Commentaires sur Daniel et sur saint Jean, les livres de Moïse, de Josué, et des Juges, à des auteurs sacrés très-postérieurs : il se fonde sur le chap. xxxvi de la Genèse ; sur quatre chapitres des Juges, xvii, xviii, xix, xxi ; sur Samuel, chapitre viii ; sur les Chroniques, chap. ii ; sur le livre de Ruth, chap. iv. En effet, si dans le chap. xxxvi de la Genèse il est parlé des rois, s’il en est fait mention dans les livres des Juges, si dans le livre de Ruth il est parlé de David, il semble que tous ces livres aient été rédigés du temps des rois. C’est aussi le sentiment de quelques théologiens, à la tête desquels est le fameux Leclerc. Mais cette opinion n’a qu’un petit nombre de sectateurs dont la curiosité sonde ces abîmes. Cette curiosité, sans doute, n’est pas au rang des devoirs de l’homme. Lorsque les savants et les ignorants, les princes et les bergers paraîtront après cette courte vie devant le maître de l’éternité, chacun de nous alors voudra être juste, humain, compatissant, généreux ; nul ne se vantera d’avoir su précisément en quelle année le Pentateuque fut écrit, et d’avoir démêlé le texte des notes qui étaient en usage chez les scribes. Dieu ne nous demandera pas si nous avons pris parti pour les Massorètes contre le Talmud, si nous n’avons jamais pris un caph pour un beth, un yod pour un vaü, un daleth pour un res : certes, il nous jugera sur nos actions, et non sur l’intelligence de la langue hébraïque. Nous nous en tenons fermement à la décision de l’Église, selon le devoir raisonnable d’un fidèle.

    Finissons cette note par un passage important du Lévitique, livre composé après l’adoration du veau d’or. Il ordonne aux Juifs de ne plus adorer les velus, « les boucs, avec lesquels même ils ont commis des abominations infâmes ». On ne sait si cet étrange culte venait d’Égypte, patrie de la superstition et du sortilége ; mais on croit que la coutume de nos prétendus sorciers d’aller au sabbat, d’y adorer un bouc, et de s’abandonner avec lui à des turpitudes inconcevables, dont l’idée fait horreur, est venue des anciens Juifs : en effet, ce furent eux qui enseignèrent dans une partie de l’Europe la sorcellerie. Quel peuple ! Une si étrange infamie semblait mériter un châtiment pareil à celui que le veau d’or leur attira ; et pourtant le législateur se contente de leur faire une simple défense. On ne rapporte ici ce fait que pour faire connaître la nation juive : il faut que la bestialité ait été commune chez elle, puisqu’elle est la seule nation connue chez qui les lois aient été forcées de prohiber un crime qui n’a été soupçonné ailleurs par aucun législateur.

    Il est à croire que dans les fatigues et dans la pénurie que les Juifs avaient