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CHAPITRE XII.

Ils se prévalent encore de l’histoire de Josué. Ce conquérant dit aux Juifs[1] : « L’option vous est donnée : choisissez quel parti il vous plaira, ou d’adorer les dieux que vous avez servis dans le pays des Amorrhéens, ou ceux que vous avez reconnus en Mésopotamie. » Le peuple répond : « Il n’en sera pas ainsi, nous servirons Adonaï. » Josué leur répliqua : « Vous avez choisi vous-mêmes ; ôtez donc du milieu de vous les dieux étrangers. » Ils avaient donc eu incontestablement d’autres dieux qu’Adonaï sous Moïse.

Il est très-inutile de réfuter ici les critiques qui pensent que le Pentateuque ne fut pas écrit par Moïse ; tout a été dit dès longtemps sur cette matière ; et quand même quelque petite partie des livres de Moïse aurait été écrite du temps des juges ou des pontifes, ils n’en seraient pas moins inspirés et moins divins.

C’est assez, ce me semble, qu’il soit prouvé par la sainte Écriture que, malgré la punition extraordinaire attirée aux Juifs par le culte d’Apis, ils conservèrent longtemps une liberté entière : peut-être même que le massacre que fit Moïse de vingt-trois mille hommes pour le veau érigé par son frère lui fit comprendre qu’on ne gagnait rien par la rigueur, et qu’il fut obligé de fermer les yeux sur la passion du peuple pour les dieux étrangers.

[2]Lui-même semble bientôt transgresser la loi qu’il a donnée. Il a défendu tout simulacre, cependant il érige un serpent d’airain. La même exception à la loi se trouve depuis dans le temple de Salomon : ce prince fait sculpter[3] douze bœufs qui soutiennent le grand bassin du temple ; des chérubins sont posés dans


    essuyées dans les déserts de Pharan, d’Oreb, et de Cadès-Barné, l’espèce féminine, plus faible que l’autre, avait succombé. Il faut bien qu’en effet les Juifs manquassent de filles, puisqu’il leur est toujours ordonné, quand ils s’emparent d’un bourg ou d’un village, soit à gauche, soit à droite du lac Asphaltite, de tuer tout, excepté les filles nubiles.

    Les Arabes qui habitent encore une partie de ces déserts stipulent toujours, dans les traités qu’ils font avec les caravanes, qu’on leur donnera des filles nubiles. Il est vraisemblable que les jeunes gens, dans ce pays affreux, poussèrent la dépravation de la nature humaine jusqu’à s’accoupler avec des chèvres, comme on le dit de quelques bergers de la Calabre.

    Il reste maintenant à savoir si ces accouplements avaient produit des monstres, et s’il y a quelque fondement aux anciens contes des satyres, des faunes, des centaures, et des minotaures ; l’histoire le dit, la physique ne nous a pas encore éclairés sur cet article monstrueux. (Note de Voltaire.) — C’est à propos de cette note que l’abbé Guenée écrivit sa Lettre du rabbin Aaron Mathathaï à Guillaume Vadé.

  1. Josué, chap. xxiv, v. 15 et suiv. (Note de Voltaire.)
  2. Nomb., chap. xxi, v. 9. (Id.)
  3. II. Paralip., chap. iv.