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SI L’INTOLÉRANCE FUT DE DROIT DIVIN.

l’arche ; ils ont une tête d’aigle et une tête de veau ; et c’est apparemment cette tête de veau mal faite, trouvée dans le temple par des soldats romains, qui fit croire longtemps que les Juifs adoraient un âne.

En vain le culte des dieux étrangers est défendu ; Salomon est paisiblement idolâtre. Jéroboam, à qui Dieu donna dix parts du royaume[1] fait ériger deux veaux d’or, et règne vingt-deux ans, en réunissant en lui les dignités de monarque et de pontife. Le petit royaume de Juda dresse sous Roboam[2] des autels étrangers et des statues. Le saint roi Asa ne détruit point les hauts lieux[3]. Le grand prêtre Urias érige dans le temple, à la place de l’autel des holocaustes, un autel du roi de Syrie[4]. On ne voit, en un mot, aucune contrainte sur la religion. Je sais que la plupart des rois juifs s’exterminèrent, s’assassinèrent les uns les autres ; mais ce fut toujours pour leur intérêt, et non pour leur croyance.

[5]Il est vrai que parmi les prophètes il y en eut qui intéressèrent le ciel à leur vengeance : Élie fit descendre le feu céleste pour consumer les prêtres de Baal ; Élisée fit venir des ours[6] pour dévorer quarante-deux petits enfants qui l’avaient appelé tête chauve ; mais ce sont des miracles rares, et des faits qu’il serait un peu dur de vouloir imiter.

On nous objecte encore que le peuple juif fut très-ignorant et très-barbare. Il est dit[7] que, dans la guerre qu’il fit aux Madianites[8], Moïse ordonna de tuer tous les enfants mâles et toutes les mères, et de partager le butin. Les vainqueurs trouvèrent dans le camp[9] 675,000 brebis, 72,000 bœufs, 61,000 ânes, et 32,000 jeunes filles ; ils en firent le partage, et tuèrent tout le reste. Plusieurs commentateurs même prétendent que trente-deux filles furent immolées au Seigneur : « Cesserunt in partem Domini triginta duæ animæ[10]. »

  1. II. Rois, xii, 28.
  2. Ibid., 31.
  3. Rois, liv. III, chap. xv, v. 14 ; Ibid., chap. xxii, v. 44. (Note de Voltaire.)
  4. Rois, liv. IV, chap. xvi. (Id.)
  5. Ibid., liv. III, chap. xviii, v. 38 et 40 ; ibid., liv. IV, chap. ii, v. 24. (Id.)
  6. IV, Rois, II, 24.
  7. Nomb., chap. xxxi. (Note de Voltaire.)
  8. Madian n’était point compris dans la terre promise : c’est un petit canton de l’Idumée, dans l’Arabie Pétrée ; il commence vers le septentrion au torrent d’Arnon, et finit au torrent de Zared, au milieu des rochers, et sur le rivage oriental du lac Asphaltite. Ce pays est habité aujourd’hui par une petite horde d’Arabes : il peut avoir huit lieues ou environ de long, et un peu moins en largeur. (Id.)
  9. Nombres, xxxi, 32 et suiv.
  10. Nombres, xxxi, 40.