Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome26.djvu/138

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comme de raison, ne manqua pas de dénoncer juridiquement les auteurs. Il soupçonne que celui qui a principalement contribué à le faire refuser a composé l’article Ame, et que puisqu’il est son ennemi il est athée ; il le dénonce donc juridiquement comme tel. Il se trouve que l’auteur de l’article est un bon docteur de Sorbonne très-pieux[1]. Il est très-étonné d’apprendre qu’il est accusé de nier l’existence de Dieu et celle de l’âme ; et il conclut que si Abraham Chaumeix a une âme, elle est un peu dure et fort ignorante.

Abraham, pour se dépiquer, va se faire maître d’école à Moscou. Que son âme y repose en paix !


DIXIÈME HONNÊTETÉ.

Un gentilhomme de Bretagne, qui a fait des comédies charmantes[2], nous a donné des anecdotes très-curieuses sur la ville de Paris et sur l’histoire de France, imprimées avec privilége, et surtout avec celui de l’approbation publique ; aussitôt les auteurs de je ne sais quelles feuilles[3] (car je ne lis point les feuilles) écrivent dans ces feuilles, dédiées à la cour, à douze sous par mois, que l’auteur est incontestablement déiste ou athée, et qu’il est impossible que cela ne soit pas, puisqu’il a dit que Maugiron, Quélus, et Saint-Mégrin, tués sous le règne de Henri III, furent enterrés dans l’église de Saint-Paul, et qu’on n’avait pas voulu inhumer une vieille femme dans la rue de l’Arbre-Sec avant qu’on eût vu son testament.

Le Breton, qui n’entend point raillerie, fait assigner au Châtelet les auteurs des feuilles, par-devant le lieutenant criminel, en réparation d’honneur et de conscience, au mois de juin 1763. Les folliculaires civilisent l’affaire, et sont forcés de demander pardon de leur incivilité.


ONZIÈME HONNÊTETÉ.

Un auteur[4], qui n’aimait pas ceux du grand et utile ouvrage dont on a déjà parlé, les prostitue sur le théâtre, et les introduit

  1. L’abbé Yvon, docteur de Sorbonne, chanoine de Coutances, mort vers 1784.
  2. Saint-Foix, auteur des Essais sur Paris. Voyez tome XX, page 323.
  3. Ce sont les auteurs du Journal chrétien. Or, ce journal n’étant pas bon, on a dit qu’il était mauvais chrétien. (Note de Voltaire.)
  4. Palissot, auteur de la comédie des Philosophes ; voyez, tome X, une note du Russe à Paris.