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S’il se passe quelques nouvelles honnêtetés dans la turbulente république des lettres, on n’a qu’à nous en avertir : nous en ferons bonne et briève justice.


LETTRE À L’AUTEUR
DES HONNÊTETÉS LITTÉRAIRES,
SUR LES MÉMOIRES DE MADAME DE MAINTENON,
PUBLIÉS PAR LA BEAUMELLE.

On ne peut lire sans quelque indignation les Mémoires pour servir à l’Histoire de madame de Maintenon et à celle du siècle passé. Ce sont cinq volumes d’antithèses et de mensonges. Et l’auteur est encore plus coupable que ridicule, puisque, ayant fait imprimer les Lettres de madame de Maintenon, dont il avait escroqué une copie, il ne tenait qu’à lui de faire une histoire vraie, fondée sur ces mêmes lettres, et sur les mémoires accrédités que nous avons. Mais la littérature étant devenue le vil objet d’un vil commerce, l’auteur n’a songé qu’à enfler son ouvrage, et à gagner de l’argent aux dépens de la vérité. Il faut regarder son livre comme les Mémoires de Gatien de Courtilz[1], et comme tant d’autres libelles qui se sont débités dans leur temps, et qui sont tombés dans le dernier mépris. L’auteur commence par un portrait de la société de Mme Scarron, comme s’il avait vécu avec elle. Il met de cette société M. de Charleval, qu’il appelle le plus élégant de nos poëtes négligés, et dont nous n’avons que trois ou quatre petites pièces qui sont au rang des plus médiocres ; il y associe le comte de Coligny, qu’il dit « avoir été à Paris le prosélyte de Ninon, et à la cour l’émule de Condé ». En quoi le comte de Coligny[2] pouvait-il être l’émule du prince de Condé ? quelle rivalité de rang, de gloire et de crédit, pouvait être entre le premier prince du sang, célèbre dans l’Europe par trois victoires, et un gentilhomme qui s’était à peine distingué alors ? Il ajoute à cette prétendue société « le marquis de La Sablière, qui avait, dit-il, dans ses propos toute la légèreté d’une femme ». La Sablière était un citoyen de

  1. Voyez tome XIV, page 57.
  2. Voyez la note, tome XIV, page 231.