Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome26.djvu/172

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Paris qui n’a jamais été marquis. Qui a dit à l’auteur que ce La Sablière était si léger dans ses propos ?

Sied-il bien à cet écrivain de dire que « les assemblées qui se tenaient chez Scarron ne ressemblaient point à ces coteries littéraires dans qui la marquise de Lambert avait formé le projet de détruire le bon goût » ? Cet homme a-t-il connu Mme de Lambert, qui était une femme très-respectable ? A-t-il jamais approché d’elle ? Est-ce à lui de parler de goût ?

Pourquoi dit-il que dans la maison de Scarron on cassait souvent les arrêts de l’Académie ? Il n’y a pas dans tous les ouvrages de Scarron un seul trait dont l’Académie ait pu se plaindre. Ne découvre-t-on pas dans ces réflexions satiriques, si étrangères à son sujet, un jeune étourdi de province qui croit se faire valoir en affectant des mépris pour un corps composé des premiers hommes de l’État et des premiers de la littérature ?

Comment a-t-il assez peu de pudeur pour répéter une chanson infâme de Scarron contre sa femme, dans un ouvrage qu’il prétend avoir entrepris à la gloire de cette même femme, et pour mériter l’approbation de la maison de Saint-Cyr ? Il attribue aussi à Mme de Maintenon plusieurs vers[1] qu’on sait être de l’abbé Têtu, et d’autres qui sont de M. de Fieubet, On voit à chaque page un homme qui parle au hasard d’un pays qu’il n’a jamais connu, et qui ne songe qu’à faire un roman.

« Mlle de La Vallière, dans un déshabillé léger, s’était jetée dans un fauteuil ; là elle pensait à loisir à son amant ; souvent le jour la retrouvait assise sur une chaise, accoudée sur une table, l’œil fixe dans l’extase de l’amour. » Hé, mon ami ! l’as-tu vue dans ce déshabillé léger ? L’as-tu vue accoudée sur cette table ? Est-il permis d’écrire ainsi l’histoire ?

Ce romancier, sous prétexte d’écrire les Mémoires de madame de Maintenon, parle de tous les événements auxquels Mme de Maintenon n’a jamais eu la moindre part : il grossit ses prétendus mémoires des aventures de Mademoiselle avec le comte de Lauzun, Pourrait-on croire qu’il a l’audace de citer les Mémoires de Mademoiselle, et de supposer des faits qui ne se trouvent pas dans ces mémoires ? Il atteste les propres paroles de Mademoiselle : « Elle lui déclara sa passion, dit-il, par un billet qu’elle lui remit entre les mains au milieu du Louvre, à la face de ses dieux domestiques, en 1671 ; » il y lut ces mots : « C’est M. le comte de Lauzun que j’aime, et que je veux épouser. » Il cite les Mémoires de Montpensier,

  1. Voyez l’article xi des Fragments sur l’histoire.