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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome26.djvu/457

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POUR LE PRINCE ROYAL DE***.

d’exercice rétablit ce petit avantage extérieur, que six mois de travail ont pu défigurer. La force, l’adresse, et le courage, valent bien la grâce sous les armes. Les Anglais et les Russes sont moins parfaits à la parade que les Prussiens, et les égalent au jour de bataille.

On demande s’il est convenable que les soldats soient mariés ? Je pense qu’il est bon qu’ils le soient : la désertion diminue, la population augmente. Je sais qu’un soldat marié sert moins volontiers loin des frontières, mais il en vaut mieux quand il combat dans le sein de la patrie. Vous ne prétendez pas porter la guerre loin de votre État, votre situation ne vous le permet pas ; votre intérêt est que vos soldats peuplent vos provinces, au lieu d’aller ruiner celles des autres.

Que le militaire, après avoir longtemps servi, ait chez lui des secours assurés ; qu’il y jouisse au moins de sa demi-paye, comme en Angleterre. Un Hôtel des invalides, tel que Louis XIV en donna l’exemple dans sa capitale, pouvait convenir à un riche et vaste royaume. Je crois plus avantageux pour vos États que chaque soldat, à l’âge de cinquante ans au plus tard, rentre dans le sein de sa famille. Il peut encore labourer ou travailler d’un métier utile ; il peut donner des enfants à la patrie. Un homme robuste peut, à l’âge de cinquante ans, être encore utile vingt années ; sa demi-paye est un argent qui, bien que modique, rentre dans la circulation au profit de la culture. Pour peu que ce soldat réformé défriche un quart d’arpent, il est plus utile à l’État qu’il ne l’a été à la parade.

VII.

Ne souffrez pas chez vous la mendicité. C’est une infamie qu’on n’a pu encore détruire en Angleterre, en France, et dans une partie de l’Allemagne, Je crois qu’il y a en Europe plus de quatre cent mille malheureux, indignes du nom d’hommes, qui font un métier de l’oisiveté et de la gueuserie. Quand une fois ils ont embrassé cet abominable genre de vie, ils ne sont plus bons à rien ; ils ne méritent pas même la terre où ils devraient être ensevelis. Je n’ai point vu cet opprobre de la nature humaine toléré en Hollande, en Suède, en Danemark ; il ne l’est pas même en Pologne. La Russie n’a point de troupes de gueux établis sur les grands chemins pour rançonner les passants. Il faut punir sans pitié les mendiants qui osent se faire craindre, et secourir les pauvres avec la plus scrupuleuse attention. Les hôpitaux de Lyon et d’Amsterdam sont des modèles ; ceux de Paris sont