132 CHAPITRE VI.
l'animal? Sera-t-on forcé de revenir à Vharmonic des Grecs; et dix mille volumes de métaphysique deviendront-ils absolument inutiles?
Si du moins la reproduction de ces têtes pouvait forcer cer- tains hommes à douter, les colimaçons auraient rendu un grand service au genre humain.
CHAPITRE V.
DES HUÎTRES A L' ÉCAILLE.
Les huîtres sont un grand prodige pour nous, non pas pour la nature. Un animal toujours immobile, toujours solitaire, em- prisonné entre deux murs aussi durs qu'il est mou, qui fait naître ses semblables sans copulation, et qui produit des perles sans qu'on sache comment; qui semble privé de la vue, de l'ouïe, de l'odorat, et des organes ordinaires de la nourriture : quelle énigme! On les mange par centaines sans faire la moindre ré- flexion sur leurs singulières propriétés.
Il faudrait faire sur elles les mêmes tentatives que sur les limaçons, leur couper sur leur rocher ce qui leur sert de tête, refermer ensuite leur écaille, et voir, au bout d'un mois, ce qui leur sera arrivé. Sont-elles deszoophytes? Quelles bornes divisent le végétal et l'animal? Où commence un autre ordre de choses? Quelle chaîne lie l'univers? Mais y a-t-il une chaîne? Ne voit-on pas une disproportion marquée entre les planètes et leurs distances, entre la nature brute et l'organisée, entre la matière végétante et la sensible, entre la sensible et la pensante? Qui sait si elles se touchent? Qui sait s'il n'y a pas entre elles un infini qui les sépare? Qui saura jamais seulement ce que c'est que la ma- tière?
CHAPITRE VI.
DES ABEILLES'.
Je ne sais pas qui a dit le premier que les abeilles avaient un roi. Ce n'est pas probablement un républicain à qui cette idée vint dans la tête.
1. A quelques mots près, Voltaire reproduisit ce chapitre entier dans les Questions sur l'Encyclopédie, au mot Abeilles ; voyez tome XVJI, pages 27 et suiv.
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