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avec eux pour la grande affaire des Romains modernes, le puntiglio, la science du nombre des pas qu’un cardinal et un préfet doivent faire en reconduisant un duc de Parme. Tous les caudataires se remuèrent dans Rome pour ce différend, et le duc de Parme s’en alla épouser une Médicis.

Les Barberins ou Barbarins songèrent à la vengeance. Le duc vendait tous les ans son blé du duché de Castro à la chambre des apôtres pour acquitter une partie de sa dette, et la chambre des apôtres revendait chèrement son blé au peuple. Elle en acheta ailleurs, et défendit l’entrée du blé de Castro dans Rome. Le duc de Parme ne put vendre son blé aux Romains, et le vendit aussi ailleurs, comme il put.

Le pape, qui d’ailleurs était un assez mauvais poëte, excommunia Odoard selon l’usage, et incaméra le duché de Castro. Incamérer est un mot de la langue particulière à la chambre des apôtres : chaque chambre a la sienne. Cela signifie prendre, saisir, s’approprier, s’appliquer ce qui ne nous appartient point du tout. Le duc, avec le secours des Médicis et de quelques amis, arma pour désincamérer son bien. Les Barberins armèrent aussi. On prétend que le cardinal Antonio, en faisant délivrer des mousquetons bénits aux soldats, les exhortait à les tenir toujours bien propres, et à les rapporter dans le même état qu’on les leur avait confiés. On assure même qu’il y eut des coups donnés et rendus, et que trois ou quatre personnes moururent dans cette guerre, soit de l’intempérie, soit autrement. On ne laissa pas de dépenser beaucoup plus que le blé de Castro ne valait. Le duc fortifia Castro ; et, tout excommunié qu’il était, les Barberins ne purent prendre sa ville avec leurs mousquetons. Tout cela ne ressemblait que médiocrement aux guerres des Romains du temps passé, et encore moins à la morale de Jésus-Christ. Ce n’était pas même le contrains-les d’entrer[1] ; c’était le contrains-les de sortir. Ce fracas dura, par intervalles, pendant les années 1642 et 1643. La cour de France, en 1644, procura une paix fourrée. Le duc de Parme communia, et garda Castro.

Pamphile, Innocent X, qui ne faisait point de vers, et qui haïssait les deux cardinaux Barberins, les vexa si durement pour les punir de leurs vexations qu’ils s’enfuirent en France, où le cardinal Antonio fut archevêque de Reims, grand aumônier, et chargé d’abbayes.

Nous remarquerons en passant qu’il y avait encore un troi-

  1. Luc, xiv, 23.