Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome27.djvu/215

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des troupes en Italie, se saisit du comtat d’Avignon. Le pape, qui avait dit d’abord que « des légions d’anges viendraient à son secours », ne voyant point paraître ces anges, s’humilia, demanda pardon. Le roi de France lui pardonna, à condition qu’il rendrait Castro et Ronciglione au duc de Parme, et Comacchio au duc de Modène, tous deux attachés à ses intérêts, et tous deux opprimés.

Comme Innocent X avait fait ériger une petite pyramide en mémoire de la démolition de Castro, le roi de France exigea qu’on érigeât une pyramide du double plus haute, à Rome, dans la place Farnèse, où le crime des gardes du pape avait été commis. À l’égard du page tué, il n’en fut pas question. Le vicaire de Jésus-Christ devait bien au moins une pension à la famille de ce jeune chrétien. La cour de Rome fit habilement insérer dans le traité qu’on ne rendrait Castro et Ronciglione au duc que moyennant une somme d’argent équivalente à peu près à la somme que la maison Farnèse devait au mont-de-piété. Par ce tour adroit, Castro et Ronciglione sont toujours demeurés incamérés, malgré Louis XIV, qui dans les occasions éclatait avec fierté contre la cour de Rome, et ensuite lui cédait.

Il est certain que la jouissance de ce duché a valu à la chambre des apôtres quatre fois plus que le mont-de-piété ne peut redemander de capital et d’intérêts. N’importe, les apôtres sont toujours en possession. Il n’y a jamais eu d’usurpation plus manifeste. Qu’on s’en rapporte à tous les tribunaux de judicature, depuis ceux de la Chine jusqu’à ceux de Corfou : y en a-t-il un seul où le duc de Parme ne gagnât sa cause ? Ce n’est qu’un compte à faire. Combien vous dois-je ? combien avez-vous touché par vos mains ? Payez-moi l’excédant, et rendez-moi mon gage. Il est à croire que quand le duc de Parme voudra intenter ce procès, il le gagnera partout ailleurs qu’à la chambre des apôtres.

vi. — acquisitions de jules ii.

Je ne parlerai point ici de Comacchio ; c’est une affaire qui regarde l’empire, et je m’en rapporte à la chambre de Vetzlar et au conseil aulique. Mais il faut voir par quelles bonnes œuvres les serviteurs des serviteurs de Dieu ont obtenu du ciel tous les domaines qu’ils possèdent aujourd’hui. Nous savons par le cardinal Bembo, par Guichardin, et par tant d’autres, comment La Rovère, Jules II, acheta la tiare, et comment il fut élu avant même que les cardinaux fussent entrés dans le conclave. Il fallait payer ce qu’il avait promis, sans quoi on lui aurait représenté