Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome27.djvu/313

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comptent cinq cent quatre-vingts; d’autres, neuf cent soixante et dix; il est important de ne s’y pas tromper. Souvenez-vous, surtout, que nous n’entendons ici que les assassinats de parents, car, pour les autres, ils sont innombrables. Rien ne sera plus édifiant qu’une notice exacte des assassins et des assassinés au nom du Seigneur. Cela peut servir de texte à tous les sermons de cour sur Famour du prochain.

XIII. — Quand de l’histoire des rois vous passerez aux prophètes, vous goûterez et nous ferez goûter des joies ineffables. N’oubliez pas le soufflet donné par le prophète Sédékias* au prophète Michée. Ce n’est pas seulement un soufflet probable comme celui du jésuite dont parle Pascal 2; c’est un soufflet avéré par le Saint-Esprit, dont on peut tirer de fortes conséquences pour les joues des fidèles.

Lorsque vous serez à Ézéchiel, c’est là que votre âme se dila- tera plus que jamais. Vous verrez d’abord, chapitre i", quatre animaux à mufles de lion, de bœuf, d’aigle, et d’homme; une roue à quatre faces semblable à l’eau de la mer, chaque face ayant plus d’yeux qu’Argus, et les quatre parties de la roue mar- chant à la fois. Vous savez qu’ensuite le prophète mangea par ordre de Dieu un livre tout entier de parchemin. Demandez soigneusement à tous les prophètes que vous rencontrerez ce qui était écrit dans ce livre. Ce n’est pas tout, le Seigneur donne des cordes au prophète pour le lier ^. Tout lié qu’il est, il trace le plan de Jérusalem sur une brique; puis il se couche sur le côté gauche pendant trois cent quatre-vingt-dix jours, et ensuite pendant quarante jours sur le côté droit.

XIV. — Si vous déjeunez avec Ézéchiel, prenez garde, notre cher frère, n’altérez point son texte, comme vous avez déjà fait ; c’est un des péchés contre le Saint-Esprit. Vous avez osé dire que Dieu ordonna au prophète de faire cuire son pain avec de la bouse de vache ; ce n’est point cela, il s’agit de mieux. Lisez la Vulgate, Ézéchiel, chap. iv, v. 12. « Comedes illud, et stercore quod egreditiir de homine operies illud in oculis eorum. — Tu le mangeras, tu le couvriras de la merde qui sort du corps de l’homme. » Le prophète en mangea, et il s’écria: « Pouah ! pouah ! pouah ! domine Deus meus, ecce anima mea non est polluta. — Pouah ! pouah ! pouah ! Seigneur mon Dieu, je n’ai jamais fait de pareil déjeuner. » Et le

1. III. Bois, XXII, 24.

2. Dernier alinéa de la quatorzième de ses Lettres provinciales {Sentiments des jésuites sur l’homme).

3. Ézéchiel, ch. m. (Note de Voltaire.)