sous la dynastie des Ming[1]. Ceux de Manille faisaient leur commerce avec les Japonais. Ces Européans se servirent de leur religion pour gagner le cœur des Japonais ; ils en séduisirent un grand nombre. Ils attaquèrent ensuite le royaume en dedans et en dehors, et il ne s’en fallut presque rien qu’ils ne s’en rendissent tout à fait les maîtres. Ils répandent dans nos provinces de grandes sommes d’argent ; ils rassemblent, à certains jours, des gens de la lie du peuple mêlés avec les femmes : je ne sais pas quel est leur dessein, mais je sais qu’ils ont apporté leur religion à Manille, et que Manille a été envahie, et qu’ils ont voulu subjuguer le Japon, etc. »
Ah ! pour Manille et pour le Japon, passe ; mais pour la Chine, vous savez que c’est tout autre chose ; vous connaissez la grande vénération, le profond respect, le tendre attachement, la sincère reconnaissance que…
Mon Dieu, oui, nous connaissons tout cela ; mais souvenez-vous, encore une fois, des paroles que le dernier empereur Young-tching, d’éternelle mémoire, adressa à vos bonzes noirs ; les voici[2] :
« Que diriez-vous si j’envoyais une troupe de bonzes et de lamas dans votre pays ? Comment les recevriez-vous ? Si vous avez su tromper mon père, n’espérez pas me tromper de même. Vous voulez que tous les Chinois embrassent vos lois ; votre culte n’en tolère pas d’autres, je le sais. En ce cas, que deviendrons-nous ? Les sujets de vos princes ? Les disciples que vous faites ne connaissent que vous ; dans un temps de troubles, ils n’écouteraient d’autre voix que la vôtre. Je sais bien qu’à présent il n’y a rien à craindre ; mais quand les vaisseaux viendront par milliers, il pourrait y avoir du désordre, etc. »
Il est vrai que nous avons transmis à notre Europe ce triste discours de l’empereur Young-tching, Nous sommes d’ailleurs obligés d’avouer que c’était un prince très-sage et très-vertueux, qui a signalé son règne par des traits de bienfaisance au-dessus de tout ce que nos princes ont jamais fait de grand et de bon. Mais, après tout, les vertus des infidèles sont des crimes[3] :
- ↑ C’est ainsi qu’on lit à la page 192 du tome II des Choses utiles et agréables. Les éditions de Kehl portent : Dynastie Desning ; et cette faute a été copiée par presque tous les éditeurs qui suivirent. (B.)
- ↑ Lettres intitulées Édifiantes, XVIIe recueil, page 208. (Note de Voltaire.)
- ↑ Cette doctrine est très-nouvelle dans le christianisme. Les premiers Pères ont soutenu précisément tout le contraire, mais les théologiens sont devenus