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L'A, B, C. 329

Dieu, comme disent Aratus et saint Paul*, et que nous vissions les choses en Dieu, comme dit Malebranclie-.

C.

A ce compte, j'aurais donc des pensées sans avoir une âme : cela serait fort plaisant,

A.

Pas si plaisant. Ne convenez-vous pas que les animaux ont du sentiment?

B.

Assurément, et c'est renoncer au sens commun que de n'en pas convenir.

A.

Croyez-vous qu'il y ait un petit être inconnu logé chez eux, que vous nommez sensibilité, mémoire, appétit, ou que vous appelez du nom vague et inexplicable âme?

B.

Non, sans doute; aucun de nous n'en croit rien. Les bêtes sentent parce que c'est leur nature, parce que cette nature leur a donné tous les organes du sentiment, parce que l'auteur, le principe de toute la nature l'a déterminé ainsi pour jamais.

A.

Eh bien ! cet éternel principe a tellement arrangé les choses que, quand j'aurai une tête bien constituée, quand mon cervelet ne sera ni trop humide ni trop sec, j'aurai des pensées, et je l'en remercie de tout mon cœur.

C.

Mais comment avez-vous des pensées dans la tête?

A.

Je n'en sais rien, encore une fois. Un philosophe ^ a été persé- cuté pour avoir dit, il y a quarante ans*, dans un temps où l'on n'osait encore penser dans sa patrie : (( La difficulté n'est pas de savoir seulement si la matière peut penser, mais de savoir com- ment un être, quel qu'il soit, peut avoir la pensée. » Je suis de l'avis de ce philosophe, et je vous dirai, en bravant les sots per-

1. Actes des apôtres, xvii, '2S.

2. Voyez, plus loin, l'opuscule intitulé Tout en Dieu. *

3. Voltaire lui-même.

4. Dans la 13" des Lettres philosophiques, voyez tome XXll, pages 121 et suiv.

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