Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome27.djvu/339

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L'A, B, C. 331

A.

Tout est de droit divin si vous voulez, parce que Dieu a fait les hommes, et qu'il n'arrive rien sans sa volonté divine et sans l'enchaînement des lois éternelles, éternellement exécutées; l'ar- chevêque de Cantorbéry, par exemple, n'est pas plus archevêque de droit divin que je ne suis né membre du parlement. Quand il plaira à Dieu de descendre sur la terre pour donner un bénéfice de douze mille guinées de revenu à un prêtre, je dirai alors que son bénéfice est de droit divin; mais jusque-là je croirai son droit très-humain.

B.

Ainsi tout est convention chez les hommes ; c'est Hobbes tout

pur.

A.

Hobbes n*a été en cela que l'écho de tous les gens sensés. Tout est convention ou force.

C. Il n'y a donc point de loi naturelle?

A.

Il y en a une sans doute, c'est l'intérêt et la raison.

B. L'homme est donc né en effet dans un état de guerre, puisque notre intérêt combat presque toujours l'intérêt de nos voisins, et que nous faisons servir notre raison à soutenir cet intérêt qui nous anime?

A.

Si l'état naturel de l'homme était la guerre, tous les hommes s'égorgeraient : il y a longtemps que nous ne serions plus ( Dieu merci). Il nous serait arrivé ce qui arriva aux hommes nés des dents du serpent Cadmus : ils se battirent, et il n'en resta pas un. L'homme étant né pour tuer son voisin, et pour en être tué, accomplirait nécessairement sa destinée, comme les Aautours accomplissent la leur en mangeant mes pigeons, et les fouines en suçant le sang de mes poules. On a vu des peuples qui n'ont jamais fait la guerre : on le dit des brachmanes, on le dit de plusieurs peuplades des îles de l'Amérique, que les chrétiens exterminèrent, ne pouvant les convertir. Les primitifs, que nous nommons quakers^, commencent à composer, dans la Pensylvanie,

1. Voyez tome XIX, page 3i3; XXII, 82.

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