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ajouta des superstitions nouvelles. Lorsque cette petite horde fut esclave à Babylone, elle y apprit les noms du diable, de Satan, Asmodée, Mammon, Belzébuth, tous serviteurs du mauvais prin- cipe Arimane; etce fut alors que les Juifs attrijjuèrent aux diables les maladies et les morts subites. Leurs livres saints, qu'ils com- posèrent depuis, quand ils eurent l'alphabet chaldéen, parlent quelquefois des diables.

Vous voyez que, quand l'ange Raphaël descend exprès de l'empyrée pour faire payer une somme d'argent par le Juif Gabel au Juif Tobie, il mène le petit Tobie chez Raguel, dont la fille avait déjà épousé sept maris à qui le diable Asmodée avait tordu le cou. La doctrine du diable prit une grande faveur chez les Juifs ; ils admirent une quantité prodigieuse de diables dans un enfer dont les lois du Pentateuque n'avaient jamais dit un seul mot : presque tous leurs malades furent possédés du diable. Ils eurent, au lieu de médecins, des exorcistes en titre d'office qui chassaient les esprits malins avec la racine nommée barath', des prières, et des contorsions.

Les méchants passèrent pour possédés encore plus que les malades. Les débauchés, les pervers, sont toujours appelés enfants de Bélial dans les écrits juifs.

Les chrétiens, qui ne furent pendant cent ans que des demi- juifs, adoptèrent les possessions du démon, et se vantèrent de chasser le diable. Ce fou de Tertullien pousse la manie jusqu'à dire que tout chrétien contraint, avec le signe de la croix, Junon, Minerve, Gérés, Diane, à confesser qu'elles sont des diablesses, La légende rapporte qu'un âne chassait les diables de Senlis en traçant une croix sur le sable avec son sabot par le commande- ment de saint Rieule,

- Peu à peu l'opinion s'établit que tous les hommes naissent endiablés et damnés : étrange idée sans doute, idée exécrable, outrage affreux à la Divinité, d'imaginer qu'elle forme^continuel- lement des êtres sensibles et raisonnables uniquement pour être tourmentés à jamais par d'autres êtres éternellement plongés eux- mêmes dans les supplices. Si le bourreau qui, en un jour, arracha le cœur, dans Garlisle -, à dix-huit partisans du prince Charles- Edouard, avait été chargé d'établir un dogme, voilà ^celui [qu'il aurait choisi ; encore aurait-il fallu qu'il eût été ivre de bran-

��1. Voyez tome XI, page 137; XVIII, 337; XXVI, 548.

2. Vo3'ez tome XV, page SOI; ou n'y compte que dix-sepl officiers exécutés le 10 auguste 1746.

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