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336 L'A, B, G.

devin, car eût-il eu à la fois l'àme d'un bourreau et d'un théolo- gien, il n'aurait jamais pu inventer de sang-froid un système où tant de milliers d'enfants à la mamelle sont livrés à des bourreaux éternels.

B.

J'ai peur que le diable ne vous reproche d'être un mauvais fils qui renie son père. Vos discours bretons paraîtront aux bons catholiques romains une preuve que le diable vous possède, et que vous ne voulez pas en convenir; mais je serais curieux de savoir comment cette idée, qu'un être infiniment bon fait tous les jours des millions d'hommes pour les damner, a pu entrer dans les cervelles.

A.

Par une équivoque, comme la puissance papistique est fon- dée sur un jeu de mots : a Tu es Pierre, et sur cette pierre j'éta- bhrai mon Église. » (Matth., chapitre xvi, v, 18.)

Voici l'équivoque qui damne tous les petits enfants. Dieu défend à Eve et à son mari de manger le fruit de l'arbre de la science, qu'il avait planté dans son jardin; il leur dit {Genèse, chapitre ii, v. 17) : u Le jour que vous en mangerez, vous mour- rez de mort. » Ils en mangèrent, et n'en moururent point. Au contraire, Adam vécut encore neuf cent trente ans. 11 faut donc entendre une autre mort : c'est la mort de l'âme, la damnation. Mais il n'est point dit qu'Adam soit damné : ce sont donc ses en- fants qui le seront; et comment cela? c'est que Dieu condamne le serpent, qui avait séduit Eve, à marcher sur le ventre (car auparavant vous voyez bien qu'il marchait sur ses pieds) ; et la race d'Adam est condamnée à être mordue au talon par le ser- pent. Or le serpent, c'est visiblement le diable ; et le talon qu'il mord, c'est notre âme. « L'homme écrasera la tête des serpents tant qu'il pourra » {Genèse, chapitre m, v. 15); il est clair qu'il faut entendre par là le Messie, qui a triomphé du diable.

Mais comment a-t-il écrasé la tête du vieux serpent, en lui livrant tous les enfants qui ne sont pas baptisés? C'est là le mys- tère. Et comment les enfants sont-ils damnés parce que leur premier père et leur première mère avaient mangé du fruit de leur jardin? C'est encore là le mystère.

C.

Je vous arrête là. N'est-ce pas pour Gain que nous sommes damnés, et non pas pour Adam? Car nous avons la mine de des- cendre de Caïn, si je ne me trompe, attendu qu'Abel mourut

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