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348 L'A, B, C.

vexation et le mépris à redouter ; aucun n'est dans le cas de ce chapelier qui présentait sa requête à un duc et pair pour être payé de ses fournitures : a Est-ce que vous n'avez rien reçu, mon ami, sur votre partie ? — Je vous demande pardon, monseigneur ; j'ai reçu un soufflet de monseigneur votre intendant. »

Il est bien doux de n'être point exposé à être traîné dans un cachot pour n'avoir pu payer à un homme qu'on ne connaît pas un impôt dont on ignore la valeur et la cause, et jusqu'à l'exis- tence.

Être libre, n'avoir que des égaux, est la vraie vie, la vie naturelle de l'homme ; toute autre est un indigne artifice, une mauvaise comédie, où l'un joue le personnage de maître, l'autre d'esclave, celui-là de parasite, et cet autre d'entremetteur. Vous m'avouerez que les hommes ne peuvent être descendus de l'état naturel que par lâcheté et par bêtise.

Cela est clair : personne ne peut avoir perdu sa liberté que pour n'avoir pas su la défendre. Il y a eu deux manières de la perdre: c'est quand les sots ont été trompés par des fripons, ou quand les faibles ont été subjugués par les forts. On parle de je ne sais quels vaincus à qui je ne sais quels vainqueurs firent crever un œil^ ; il y a des peuples à qui on a crevé les deux yeux comme aux vieilles rosses à qui l'on fait tourner la meule. Je veux garder mes yeux; je m'imagine qu'on en crève un dans l'État aristocratique, et deux dans l'État monarchique.

A.

Vous parlez comme un citoyen de la Nord-Hollande, et je vous le pardonne.

C.

Pour moi, je n'aime que l'aristocratie; le peuple n'est pas digne de gouverner. Je ne saurais souffrir que mon perruquier soit législateur ; j'aimerais mieux ne porter jamais de perruque. Il n'y a que ceux qui ont reçu une très-bonne éducation qui soient faits pour conduire ceux qui n'en ont reçu aucune. Le gouver- nement de Venise est le meilleur : cette aristocratie est le plus ancien État de l'Europe. Je mets après lui le gouvernement de l'Allemagne, Faites-moi noble vénitien ou comte de l'empire, je vous déclare que je ne peux vivre joyeusement que dans l'une ou dans l'autre de ces deux conditions.

1. Voyez tome XIX, page 576.

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