Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome27.djvu/357

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L'A, B, C. 349

A. Vous êtes un seigneur riche, monsieur C, et j'approuve fort votre façon de penser. Je vois que vous seriez pour le gouverne- ment des Turcs si vous étiez empereur de Constantinople. Pour moi, quoique je ne sois que memjjre du parlement de la Grande- Bretagne, je regarde ma constitution comme la meilleure de toutes ; et je citerai pour mon garant un témoignage qui n'est pas récusable : c'est celui d'un Français qui, dans un poëme^ consacré aux vérités et non aux vaines fictions, parle ainsi de notre gou- vernement :

Aux murs de Westminster on voit paraître ensemble Trois pouvoirs étonnés du nœud qui les rassemble, Les députés du peuple, et les grands, et le roi. Divisés d'intérêt, réunis par la loi; Tous trois membres sacrés de ce corps invincible, Dangereux à lui-même, à ses voisins terrible.

C.

Dangereux à lui-même! Vous avez donc de très-grands abus chez vous?

A.

Sans doute, comme il en fut chez les Romains, chez les Athé- niens, et comme il y en aura toujours chez les hommes. Le comble de la perfection humaine est d'être puissant et heureux avec des abus énormes; et c'est à quoi nous sommes parvenus. Il est dangereux de trop manger ; mais je veux que ma table soit bien garnie.

B.

Voulez-vous que nous ayons le plaisir d'examiner à fond tous les gouvernements de la terre, depuis l'empereur chinois Iliao, et depuis la horde hébraïque, jusqu'aux dernières dissensions de Raguse- et de Genève?

A.

Dieu m'en préserve! je n'ai que faire de fouiller dans les ar- chives des étrangers pour régler mes comptes. Assez de gens, qui n'ont pu gouverner une servante et un valet, se sont mêlés de régir l'univers avec leur plume. Ne voudriez-vous pas que nous perdissions notre temps à lire ensemble le livre de Bossuet, évê-

1. Henriade, chant P"", vers 313-18.

2. Raguse était alors une république aristocratique.

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