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356 L'A, B, C.

A. Tout a son tarif : tant pis pour lui s'il me vend à bon marché quelque chose de si précieux. Dites qu'il est un imbécile; mais ne dites pas que je suis un coquine

C.

Il me semble que Grotius-, livre II, chapitre v, approuve fort l'esclavage; il trouve même la condition d'un esclave beaucoup plus avantageuse que celle d'un homme de journée, qui n'est pas toujours sûr d'avoir du pain.

B. Mais Montesquieu regarde la servitude comme une espèce de péché contre naturel Voilà un Hollandais citoyen libre qui veut des esclaves, et un Français qui n'en veut point; il ne croit pas même au droit de la guerre.

A.

Et quel autre droit peut-il donc y avoir dans la guerre que celui du plus fort? Je suppose que je me trouve en Amérique engagé dans une action contre des Espagnols. Un Espagnol m'a blessé, je suis prêt à le tuer; il me dit : Brave Anglais, ne me tue pas, et je te servirai. J'accepte la proposition, je lui fais ce plaisir, je le nourris d'ail et d'ognons; il me lit les soirs Don Quichotte à mon coucher : quel mal y a-t-il à cela, s'il vous plaît? Si je me

1. Nous ne pouvons être ici d'accord avec M. de Voltaire. 1" Les principes du droit naturel prononcent la nullité de toute convention dont il résulte une lésion qui prouve qu'elle est l'ouvrage de la démence de l'un des contractants, ou de la violence et de la fraude de l'autre. 2° Un engagement est nul, par la même rai- son, toutes les fois que les conditions de cet engagement n'ont point une étendue déterminée. 3" Quand il serait vrai qu'on pût se vendre soi-même, on ne pourrait point vendre sa postérité. Un homme ne pourrait avoir le droit d'en vendre un autre, à moins qu'il ne se fût vendu volontairement, et que cette permission fût une des clauses de la vente; l'esclavage ne serait donc alors légitime que dans des cas très-rares. D'ailleurs, un homme qui abuse de l'imbécillité d'un autre est précisément ce que monsieur A ne veut pas être. 11 n'y a nulle parité entre l'état d'un esclave et celui d'un soldat. Les conditions de l'engagement d'un soldat sont déterminées ; son châtiment, s'il y manque, est réglé par une loi, etest infligé parle jugement d'un officier, qui est dans ce cas une espèce de magistrat, un homme chargé d'exercer une partie de la puissance publique. Cet officier n'est pas juge et partie comme le maître à l'égard de son esclave. Les soldats peuvent être réellement en certains pays dans une situation pareille à la servitude des nègres, et alors cet esclavage est une violation du droit naturel ; mais l'étal de soldat n'est pas en lui-même un^état d'esclavage. (K.) — Voyez la note suivante des éditeurs de Kehl, qui eux-mêmes justifient Voltaire, après l'avoir presque accusé ici. (B.)

2. De Jure belli et pacis.

3. Esprit des lois, liv. XV, ch. vu.

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