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366 L'A, B, C.

C. Je lisais l'autre jour un poëme français sur la Grâcc^ poëme didactique et un peu soporatif, attendu qu'il est monotone. L'au- teur, en parlant de TAngleterre, à qui la grâce de Dieu est refu- sée (quoique votre monarque se dise roi par la grâce de Dieu tout comme un autre), l'auteur, dis-je, s'exprime ainsi en vers assez plats :

Cette île, de clirétiens féconde pépinière, L'Angleterre, où jadis brilla tant de lumière, Recevant aujourd'hui toutes religions, ^ N'est plus qu'un triste amas de folles visions... Oui, nous sommes, Seigneur, tes peuples les plus chers, Tu fais luire sur nous tes rayons les plus clairs. Vérité toujours puie, ô doctrine éternelle ! La France est aujourd'hui ton royaume fidèle.

(Chant IV, V. 129-146.)

A.

Voilà un plaisant original avec sa pépinière et ses rayons clairs ! Un Français croit toujours qu'il doit donner le ton aux autres nations ; il semble qu'il s'agisse d'un menuet ou d'une mode nouvelle. Il nous plaint d'être libres ! En quoi, s'il vous plaît, la France est-elle le royaume fulclc de la doctrine éternelle? Est-ce dans le temps qu'une bulle ridicule -, fabriquée k Paris dans un collège de jésuites, et scellée à Rome par un collège de cardinaux, a divisé toute la France et fait plus de prisonniers et d'exilés qu'elle n'avait de soldats ? le royaume fidèle!

Que l'Église anglicane réponde, si elle veut, à ces rimeurs de l'Église gallicane ; pour moi, je suis sûr que personne ne regret- tera parmi nous ce temps jadis où brilla tant de lumière. Était-ce quand les papes envoj aient cbez nous des légats donner nos bé- néfices à des Italiens, et imposer des décimes sur nos biens pour payer leurs filles de joie? Était-ce quand nos trois royaumes four- millaient de moines et de miracles ? Ce plat poète est un bien mauvais citoyen. Il devait souliaiter plutôt à sa patrie assez de rayons clairs pour qu'elle aperçût ce qu'elle gagnerait à nous imiter ; ces rayons font a oir qu'il ne faut pas que les gallicans envoient vingt mille livres sterling à Rome toutes les années, et que les anglicans, qui payaient autrefois le denier de saint Pierre, étaient plongés alors dans la plus stupide barbarie.

1 . Par Louis Racine.

2. La bulle Unirjenitiis.

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