Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome27.djvu/378

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

370 L'A, B, G.

J'ai dompté un cheval : si je suis sage, je le nourris bien, je le caresse, et je le monte; si je suis un fou furieux, je Fégorge.

G. Cela n'est pas consolant, car enfin nous avons presque tous été subjugués. Vous autres Anglais, vous l'avez été par les Romains, par les Saxons et les Danois, et ensuite par un bâtard de Normandie. Le berceau de notre religion est entre les mains des Turcs. Une poignée de Francs a soumis la Gaule, Les Tyriens, les Carthagi- nois, les Romains, les Goths, les Arabes, ont tour à tour subju- gué l'Espagne. Enfin, de la Chine à Cadix, presque tout l'univers a toujours appartenu au plus fort. Je ne connais aucun conqué- rant qui soit venu l'épée dans une main et un code dans l'autre; ils n'ont fait des lois qu'après la victoire, c'est-à-dire après la rapine; et ces lois, ils les ont faites précisément pour soutenir leur tyrannie. Que diriez-vous si quelque bâtard de Normandie venait s'emparer de votre Angleterre pour venir vous donner ses

lois?

A.

Je ne dirais rien; je tâcherais de le tuer à sa descente dans ma patrie. S'il me tuait, je n'aurais rien à répliquer; s'il me sub- juguait, je n'aurais que deux partis à prendre, celui de me tuer moi-même, ou celui de le bien servir.

B. Voilà de tristes alternatives. Quoi! point de loi de la guerre? point de droit des gens?

A.

J'en suis fâché; mais il n'y en a point d'autre que de se tenir continuellement sur ses gardes. Tous les rois, tous les ministres, pensent comme nous; et c'est pourquoi douze cent mille merce- naires en Europe font aujourd'hui la parade tous les jours en temps de paix.

Qu'un prince licencie ses troupes, qu'il laisse tomber ses for- tifications en ruines, et qu'il passe son temps à lire Grotius, vous verrez si, dans un an ou deux, il n'aura pas perdu son royaume.

G.

Ce sera une grande injustice.

A. D'accord.

B.

Et point de remède à cela ?

�� �