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L'A, B, C. 387

Les plaideurs ne sollicitent jamais leurs juges; ce serait leur dire: Je yeux vous séduire. Un juge qui recevrait une visite d'un plaideur serait déshonoré ; ils ne recherchent point cet honneur ridicule qui flatte la vanité d'un bourgeois. Aussi n'ont-ils point acheté le droit de juger; on ne vend point chez nous une place de magistrat ^ comme une métairie : si des membres du parlement vendent quelquefois leur voix à la cour, ils ressemblent à quel- ques belles qui vendent leurs laveurs, et qui ne le disent pas. La loi ordonne chez nous qu'on ne vendra rien que des terres et les fruits de la terre; tandis qu'en France la loi elle-même fixe le prix d'une charge de conseiller au banc du roi qu'on nomme parlement, et de président qu'on nomme a mortier; presque toutes les places et les dignités se vendent en France, comme on vend des herbes au marché. Le chancelier de France est tiré souvent du corps des conseillers d'État; mais, pour être conseiller d'État, il faut avoir acheté une charge de maître des requêtes. Un régiment n'est point le prix des services, c'est le prix de la somme que les parents d'un jeune homme ont déposée pour qu'il aille trois mois de Tannée tenir table ouverte dans une ville de province.

Vous voyez clairement combien nous sommes heureux d'avoir des lois qui nous mettent à l'abri de ces abus. Chez nous, rien d'arbitraire, sinon les grâces que le roi veut faire. Les bienfaits émanent de lui ; la loi fait tout le reste.

Si l'autorité attente illégalement à la liberté du moindre citoyen, la loi le venge ; le ministre est incontinent condamné à l'amende envers le citoyen, et il la paye.

Ajoutez à tous ces avantages le droit que tout homme a parmi nous de parler par sa plume à la nation entière. L'art admirable de l'imprimerie est dans notre île aussi libre que la parole. Com- ment ne pas aimer une telle législation ?

Nous avons, il est vrai, toujours deux partis; mais ils tiennent la nation en garde plutôt qu'ils ne la divisent. Ces deux partis veillent l'un sur l'autre, et se disputent l'honneur d'être les gar- diens de la liberté publique. Nous avons des querelles ; mais nous bénissons toujours cette heureuse constitution qui les fait naître.

C.

Votre gouvernement est un bel ouvrage, mais il est fragile.

A.

Nous lui donnons quelquefois de rudes coups, mais nous ne le cassons point.

1. Voltaire ne cesse de s'élever contre la vénalité des charges.

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