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DE SAINT CUGUFIN. 423

L'Éternel est son nom, le monde est son ouvrage; Il entend les soupirs de l'humble qu'on outrage, Juge tous les mortels avec d'égales lois, Et du haut de son trône interroge les rois.

Ces vers sont admirables ; presque personne ne devrait être assez hardi pour en faire après avoir lu ceux de Racine ; et les hommes grossiers que leur épaisse barbarie rend insensibles à ces beautés ne méritent pas le nom d'hommes. Mais le prétendu Assuérus pouvait répondre à la prétendue Esther :

«Vous êtes une impertinente de croire m'apprendremon caté- chisme ; je savais, avant que vous fussiez née, que Dieu est le maître absolu de notre petite terre, des planètes et des étoiles. Nous adorions Jéhovah, l'Éternel, plusieurs siècles avant que vos misérables Juifs vinssent de TArabic déserte commettre mille in- fâmes brigandages dans un coin de la Phénicie, Vous n'avez appris à lire et à écrire que de nous, et des Phéniciens nos disci- ples. Nous n'avons jamais adoré qu'un seul Dieu ; nous n'avons jamais eu dans nos temples des simulacres de bœufs, de chéru- bins, de serpents, comme vous en aviez dans votre petit temple barbare de vingt coudées de long, de large, et de haut, où vous conserviez dans un coffre un serpent d'airain, quand un de mes prédécesseurs détruisit votre ville d'Hershala'im, et vous fit tous conduire, les mains derrière le dos, sur les rivages de l'Euphrate. Il est aussi ridicule à vous, ma bonne, de penser m'enseigner Dieu, qu'il serait ridicule à moi de vous avoir épousée, d'avoir vécu six mois avec vous sans savoir qui vous êtes ; d'avoir con- damné tous les Juifs à la mort parce qu'un Juif n'a pas fait la révérence à un de mes vizirs, et d'avoir averti tous les Juifs, par un édit, qu'on les égorgerait dans dix mois, pour leur donner le temps d'échapper. Vous récitez de très-beaux vers, mais vous n'avez pas le sens d'un oison. Je sais mieux vos propres livres que vous, et que votre fat de Mardochée. Je sais que quand vous habitâtes autrefois en très-petit nombre dans un désert de mon vaste empire, vous adorâtes^ l'étoile Remphan, et celle de Mo- locli-, etc.; je sais que vous n'avez jamais eu jusqu'à présent de croyance fixe, et que vous avez immolé vos propres enfants par le plus abominable fanatisme. Si je daignais m'abaisser jusqu'à citer vos auteurs, je vous dirais que votre Isaïe^ vous reproche

1. Amos, chap. V, v. 26; cité Actes des apôlres, ch. vu, v. 43. [?iote de Vol- taire.)

2. Voyez la première note sur le Discours de l'empereur Julien.

3. Chap. Lvu, V. 5. {ISote de Voltaire.)

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