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A M. L'ABBÉ FOUCHER. 433

d'avoir lu autrefois dans le Sadder, porte 32 : Si quelque homme docte veut lire le livre de Vesta, il faut qu'il en apprenne les propres paroles, afin qu'il puisse citer juste. C'est un excellent conseil que le Sadder donne aux critiques.

« Le même &rfrfer, porte 46, dit (autant qu'il m'en souvient) : Il ne faut pas reprendre injustement et tromper les lecteurs; c'est le péché d'Hamimâl : quand vous avez été coupable de ce péché, il faut faire excuse a votre adversaire, car, si votre adversaire n'est pas con- tent de vous, sachez que vous ne pourrez jamais passer, après votre mort, sur le pont aigu. Allez donc trouver votre adversaire que vous avez contristé mcd a propos; dites-lui : J'ai tort, je m'en repens; sans quoi il n'y a point de scdut pour vous.

« Il faut encore, m'a dit ce bon vieillard, que M. l'abbé Fou- cher ait la bonté de lire les portes 57 et 58 ; il y verra que Dieu ordonne qu'on dise toujours la vérité. Je ne doute pas que M. l'abbé Foucher n'aime beaucoup la vérité. Il a bien dû concevoir qu'il est impossible que le Sadder signifie un homme, et non pas un livre. Les Italiens sont le seul peuple de la terre chez qui on accorde l'article le aux auteurs : le Dante,-le Pulci, le Boyardo^ l'Arioste, le Tasse; mais on n'a jamais dit, chez les Latins, le Vir- gile; ni chez les Grecs, l'Homère ; ni chez les Asiatiques, l'Ésope; ni chez les Indiens, le Brama ; ni chez les Persans, le Zoroastre ; ni chez les Chinois, le Confutzée. Il était donc impossible que le Sadder signifiât un homme, et non pas un livre. Il est donc néces- saire et décent que cette petite bévue de M, l'abbé Foucher soit corrigée, et qu'il ne tombe plus dans le péché d'Hamimâl.

(c Quant au pari qu'il veut faire, il est vrai que Roquebrune, dans \q Roman comique^, offre toujours de parier cent pistoles; il est vrai que atontagne dit : Il faut parier, afin que votre valet puisse vous dire au bout de l'année : Monsieur, vous avez perdu cent écus en vingt fois p^our avoir été ignorant et opiniâtre. Je ne crois point M. l'abbé Foucher ignorant ; au contraire, on m'a dit qu'il était très-savant. Je ne crois point non plus qu'il soit opiniâtre, et je ne veux lui gagner ni cent pistoles ni cent écus. »

Voilà, monsieur, mot pour mot, tout ce que m'a dit l'homme plus que septuagénaire, et fort près d'être octogénaire, que vous avez voulu contrister au mépris des lois du Sadder. Il n'est nulle- ment fâché de votre méprise; il vous estime beaucoup : j'en use de même, et c'est avec ces sentiments que j"ai l'honneur d'être, etc.

BiGEX. 1. Première partie, chap. xvi. etc.

27. — Mélanges. VI. 28

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