Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome27.djvu/506

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XXXII. — Elle s’en alla donc après qu’elle eut demeuré trois jours chez elle ; et lorsqu’elle fut revenue à la ville, elle y vit un prince qui avait épousé la fille d’un autre prince ; mais, lorsqu’il eut regardé sa femme, il aperçut entre ses yeux des marques de lèpre, de la forme d’une étoile, de sorte que son mariage fut cassé et déclaré nul. Cette femme les ayant vues dans cet état, chagrines et fondant en pleurs, leur demanda la cause de leurs larmes. Mais ne vous informez pas, lui dirent-elles, de notre état ; car nous ne pouvons raconter notre malheur à aucun mortel, ou le communiquer à aucun étranger. Elle insistait cependant, et les priait de le lui confier, qu’elle leur en montrerait peut-être le remède. Comme ils lui montrèrent donc la jeune femme, et les marques de lèpre qui paraissaient entre ses yeux : Moi que vous voyez ici, dit la femme, j’ai eu la même maladie, et j’allai à Bethléem pour mes affaires. Y étant entrée dans une certaine caverne, je vis une femme nommée Marie, laquelle avait un fils qui s’appelait Jésus : me voyant lépreuse, elle me plaignit, et me donna de l’eau dont elle avait lavé le corps de son fils ; j’en arrosai mon corps, et j’ai été guérie. Ces femmes disaient donc : Ô madame, ne vous lèverez-vous pas, et partant avec nous, ne nous montrerez-vous pas la divine dame Marie ? Elle y consentant, elles se levèrent, et allèrent vers la divine dame Marie, portant avec elles de magnifiques présents ; et lorsqu’elles furent entrées, et lui eurent offert les présents, elles lui montraient cette jeune femme lépreuse qu’elles avaient amenée. La divine Marie disait donc : Que la miséricorde du Seigneur Jésus-Christ habite sur vous ! et leur donnant un peu de l’eau dont elle avait lavé le corps de Jésus-Christ, elle ordonnait qu’on en lavât la malade ; ce qu’elles firent, et tout d’un coup elle fut guérie, et elles et tous les assistants glorifiaient Dieu. Étant donc joyeuses et de retour dans leur ville, elles chantaient des louanges au Seigneur. Or le prince, apprenant que son épouse était guérie, la reçut chez lui ; et, célébrant de secondes noces, il rendit grâces à Dieu de ce que son épouse avait recouvré la santé.

XXXIII. — Il y avait aussi une jeune fille tourmentée par Satan ; car ce maudit lui apparaissait de temps en temps sous la forme d’un grand dragon, et avait envie de l’avaler ; il avait aussi sucé tout son sang, de sorte qu’elle ressemblait à un cadavre. Chaque fois donc qu’il s’approchait d’elle, joignant ses mains sur sa tête, elle criait et disait : Malheur ! malheur à moi ! parce qu’il n’y a personne qui me délivre de ce très-méchant dragon. Or son père et sa mère, et tous ceux qui étaient autour d’elle, ou la