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A M. BERGIER. 45

généreux. Pensez-vous en effet que Cyrille ne lui aura pas fait dire tout ce qui pouvait être le plus aisément réfuté? Et pensez- vous que Cyrille l'ait en effet combattu avec avantage? Pesez bien les paroles qu'il rapporte de cet empereur; les voici : « Jésus n'a fait pendant sa vie aucune action remarquable, à moins qu'on ne regarde comme une grande merveille de guérir des boiteux et des aveugles, et d'exorciser les démons dans les villages de Betlizaïde et de Béthanie. »

Le sens de ces paroles n'est-il pas évident? « Jésus n'a rien fait de grand; vous prétendez qu'il a passé pour guérir des aveugles et des boiteux, et pour chasser des démons; mais tous nos demi-dieux ont eu la réputation de faire de bien plus grandes choses : il n'est aucun peuple qui n'ait ses prodiges, il n'est au- cun temple qui n'atteste des guérisons miraculeuses. Vous n'avez en cela aucun avantage sur nous ; au contraire, notre religion a cent fois plus de prodiges que la vôtre. Si vous avez fait de Jésus un Dieu, nous avons fait avant vous cent dieux de cent héros ; nous possédons plus de dix mille attestations de guérisons opé- rées au temple d'Esculape, et dans les autres temples. Nous en- chantions les serpents, nous chassions les mauvais génies, avant que vous existassiez. Pour nous prouver que votre Dieu l'emporte sur les nôtres et est le Dieu véritable, il faudrait qu'il se fût fait connaître par toutes les nations : rien ne lui était plus aisé ; il n'avait qu'un mot à dire; il ne devait pas se cacher sous la forme d'un charpentier de village. Le Dieu de l'univers ne devait pas être un misérable Juif condamné au supplice des esclaves. Enfin de quoi vous avisez-vous, charlatans et fanatiques nouveaux, de vous préférer insolemment aux anciens charlatans et aux anciens fanatiques? »

Voilà nettement le sens des paroles de Julien. Voilà sûrement son opinion, voilà son argument dans toute sa force : il nous fait frémir ; nous ne le rapportons qu'avec horreur ; mais personne n'y a jamais répondu : vous ne deviez pas exposer la religion chrétienne à de si terribles rétorsions.

XIX.

Vous avouez qu'il y a eu souvent de la fraude et des illusions dans les possessions et dans les exorcismes* ; et, après cet aveu,

1. Bergier dit, pages 184-85 de la première partie: «Que l'on suppose, à la bonne heure, de la collusion entre les exorcistes païens et ceux qu'ils préten- daient délivrer..., nous abandonnons volontiers cette espèce d'exorcistes aux soup- çons de notre critique. »

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