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DEUX LETTRES[1]


DE PILATE À L’EMPEREUR TIBÈRE



LETTRE I.


ponce pilate salue claude[2].


Il arriva dernièrement, et je l’ai moi-même prouvé, que les Juifs par envie se punirent, ainsi que leurs descendants, par une cruelle condamnation. Comme il avait été promis à leurs pères que Dieu leur enverrait du ciel son saint qui serait à juste titre appelé leur roi, et qu’il leur avait promis de l’envoyer sur terre par une vierge ; et comme le Dieu des Hébreux l’avait envoyé en Judée lorsque j’en étais gouverneur, voyant qu’il avait rendu la vue aux aveugles, purifié les lépreux, guéri les paralytiques, chassé les démons des possédés, même ressuscité des morts, commandé aux vents, marché à pied sec sur les eaux de la mer, et fait plusieurs autres miracles, tout le peuple des Juifs disait qu’il était fils de Dieu ; mais les princes des Juifs prirent envie contre lui, s’en saisirent, me le livrèrent, et le chargèrent de fausses accusations, m’assurant qu’il était magicien, et qu’il agissait contre la loi. Je crus que cela était ainsi, et l’ayant fait flageller, je le leur abandonnai pour en faire ce qu’ils voudraient. Ils le crucifièrent, et mirent des gardes à son tombeau. Mais comme mes soldats le gardaient, il ressuscita le troisième jour ; mais la méchanceté des Juifs en fut si irritée qu’ils donnèrent de l’argent aux gardes pour leur faire dire que ses disciples avaient enlevé son corps ; mais quoiqu’ils eussent reçu de l’argent, ils ne purent taire ce qui était arrivé : car ils attestèrent qu’ils l’avaient vu ressusciter, et que les Juifs leur avaient donné de l’argent. C’est pourquoi je vous l’ai écrit, de peur que quelqu’un ne le rapporte autrement, et ne croie devoir ajouter foi aux mensonges des Juifs.

  1. Voyez la note 6 de la page 462.
  2. Tibère avait ce nom, parce qu’il était de la famille patricienne Claudia. (Sueton. ch. i et xlii, in ejus vita) (Note de Voltaire.)