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560 HOMÉLIE

pas comme nos ennemis ces chrétiens appelés quakers, ou ana- baptistes, ou mennonites, qui ne communient point; les presby- tériens, qui communient en mangeant spirituellement Jésus- Glirist; les luthériens et les anglicans, qui mangent à la fois le corps et le pain, et boivent à la fois le sang et le vin; et les papistes même, qui prétendent manger le corps et boire le sang, en ne touchant ni au pain ni au vin. Nous ne comprenons rien aux idées ou plutôt aux paroles des uns et des autres; mais nous les regardons comme des frères dont nous n'entendons pas le lan- gage. Nous prions pour eux sans les comprendre; nous nous unis- sons à eux malgré eux-mêmes, dans cet esprit de charité qui fait du monde entier une grande famille dispersée : Charitas Immani generis, dit Cicéron \ s'il m'est permis de citer ici un profane qui était un homme de bien.

Malheur à toute secte qui dit : Je suis seule sur la terre; la lumière ne luit que pour moi; une profonde nuit couvre les yeux de tous les autres hommes; ce n'est que pour moi que les vastes cieux ont été créés; c'est là ma demeure; tout le reste est condamné à un séjour d'horreur et de désolation éternelle!

Ce cruel langage est bien moins celui d'un cœur reconnaissant qui remercie Dieu de l'avoir distingué de la foule des êtres que l'expression d'un orgueil insensé qui se complaît dans ses illu- sions téméraires. La dureté accompagne nécessairement un tel orgueil. Comment un homme malheureusement pénétré d'une si abominable croyance aurait-il des entrailles de pitié pour ceux qu'il pense être en horreur à Dieu, de toute éternité, et pour toute l'éternité? Il ne les peut envisager que du même œil dont il croit voir les démons qu'on lui a peints comme ses ennemis sous des formes différentes. Si quelquefois il leur témoigne un peu d'hu- manité, c'est que la nature, plus forte en lui que ses préjugés, amollit malgré lui son cœur, que sa secte endurcissait; et la vertu naturelle que Dieu lui a donnée l'emporte sur la religion qu'il a reçue des hommes.

Sachez, messieurs, que le chef de la secte papiste n'est pas le seul qui se dise infaillible; sachez que tous ceux qui sont de sa secte intolérante pensent être infaillibles comme lui; et cela ne peut être autrement : ils ont adopté tous ses dogmes. Ce chef, selon eux, ne peut être dans l'erreur : donc ils ne peuvent errer en croyant tout ce que leur maître enseigne, en faisant tout ce qu'il ordonne. Cet excès de démence s'est perpétué surtout dans

1. Voyez la note, tome XVIII, page 133.

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