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L’ÉPÎTRE

maliel, fit massacrer à coups de pierres[1] le bon Stéphano, patron des diacres et des lapidés, et qui pendant ce temps gardait les manteaux des bourreaux, digne emploi de valet de prêtre. Ce n’est pas celui qui tomba de cheval[2], aveuglé par une lumière céleste en plein midi, et à qui Dieu dit en l’air, comme il dit tous les jours à tant d’autres : Pourquoi me persécutes-tu ? Ce n’est pas celui qui écrivit aux demi-juifs demi-chrétiens des boutiques de Corinthe[3] : « N’avons-nous pas le droit d’être nourris à vos dépens, et d’amener avec nous une femme[4] ? Qui est-ce qui va jamais à la guerre à ses dépens ? » Belles paroles dont le R. P. Menou, jésuite, apôtre de la Lorraine, a si bien profité qu’elles lui ont valu à Nancy vingt-quatre mille livres de rente, un palais, et plus d’une belle femme.

Ce n’est pas celui qui écrivit au petit troupeau de Thessalonique que l’univers allait être détruit[5], moyennant quoi ce n’était pas la peine, ce n’était pas métier, comme vous dites en Italie, de garder de l’argent chez soi, car Paul disait : «[6]Aussitôt que l’archange aura crié, et que la trompette de Dieu aura sonné, Jésus descendra du ciel. Les morts qui sont à Christ ressusciteront les premiers, et nous qui vivons et qui vivrons jusqu’à ce temps-là, nous serons emportés en l’air au-devant de Jésus. »

Et remarquez, généreux Romains, que Saul Paul n’annonçait ces belles choses aux fripiers et épiciers de Thessalonique qu’en conséquence de la prédiction formelle de Luc, qui avait assuré publiquement[7], c’est-à-dire à quinze ou seize élus de la populace, que la génération ne passerait pas sans que le fils de l’homme vînt dans les nuées avec une grande puissance et une grande majesté. Romains ! si Jésus ne vint pas dans les nuées avec une grande puissance, du moins les papes ont eu cette grande puissance ; et c’est ainsi que les prophéties s’accomplissent.

Celui qui écrit cette épître aux Romains n’est pas, encore une fois, ce Saul Paul, moitié juif, moitié chrétien, qui, ayant prêché Jésus et ayant annoncé la destruction de la loi mosaïque, alla non-seulement judaïser dans le temple de Hershalaïm, nommé vulgairement Jérusalem, mais encore y observer d’anciennes pratiques rigoureuses par le conseil de son ami Jacques[8], et qui fit précisément ce que la sainte Inquisition chrétienne punit aujourd’hui de mort.

  1. Actes, vii, 57.
  2. Ibid., ix, 4. (Note de Voltaire.)
  3. Ibid., 4, 5, 7.
  4. I. Aux Corinthiens, ch. ix, v. 4 et 5. (Note de Voltaire.)
  5. I. Aux Thessaloniciens, chap. iv.
  6. I. Ibid., ch. iv, v. 16 et 17. (Id.)
  7. Luc, ch. xxi, 27. (Id.)
  8. Actes, ch. xxi. (Id.)