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DE L’EMPEREUR JULIEN.

qu’il n’y a rien de bon et d’honnête chez les Grecs et chez les Hébreux ; cependant ils se sont approprié, non les vertus, mais les vices de ces deux nations. Ils ont puisé chez les Juifs la haine implacable contre toutes les différentes religions des nations ; et le genre de vie infâme et méprisable qu’ils pratiquent dans la paresse et dans la légèreté, ils l’ont pris des Grecs : c’est là ce qu’ils regardent comme le véritable culte de la Divinité.

Il faut convenir que, parmi le bas peuple, les Grecs ont cru et inventé des fables ridicules, même monstrueuses. Ces hommes simples et vulgaires ont dit que Saturne, ayant dévoré ses enfants, les avait vomis ensuite ; que Jupiter avait fait un mariage incestueux, et donné pour époux à sa propre fille un enfant qu’il avait eu d’un commerce criminel. À ces contes absurdes on ajoute ceux du démembrement de Bacchus et du replacement de ses membres. Ces fables sont répandues parmi le bas peuple ; mais voyons comment pensent les gens éclairés.

Considérons ce que Platon écrit de Dieu et de son essence, et faisons attention à la manière dont il s’exprime lorsqu’il parle de la création du monde, et de l’Être suprême qui l’a formé. Opposons ensuite ce philosophe grec à Moïse[1] et voyons qui des deux a parlé de Dieu avec plus de grandeur et de dignité. Nous découvrirons alors aisément quel est celui qui mérite le plus d’être admiré et de parler de l’Être suprême, ou Platon, qui admit les temples et les simulacres des dieux, ou Moïse, qui, selon l’Écriture, conversait face à face et familièrement avec Dieu.

« Au commencement, dit cet Hébreu[2], Dieu fit le ciel et la

  1. Il paraît, que Julien n’était pas aussi profondément savant dans la critique de l’histoire qu’il était ingénieux et éloquent. Cet esprit de critique fut absolument inconnu à toute l’antiquité ; on recevait toutes les histoires, et on ne discutait rien. Il est très-douteux qu’il y ait jamais eu un Moïse dont la vie entière, depuis son berceau flottant sur les eaux jusqu’à sa mort arrivée à six-vingts ans sur une montagne inconnue, est un tissu d’aventures plus fabuleuses que les Métamorphoses d’Ovide. (Note de Voltaire.)
  2. 1o Il n’est pas croyable que la horde des Juifs ait eu l’usage de l’écriture dans un désert au temps où l’on place Moïse.

    2o Toute son histoire est tirée, presque mot pour mot, de la fable de l’ancien Bacchus, qu’on appelait Misem ou Mosem, sauvé des eaux. Cette fable, qu’on chantait en Grèce dès le temps d’Orphée, fut recueillie depuis par Nonnus.

    3o Flavius Josèphe, qui a ramassé tout ce qu’il a pu trouver chez les auteurs égyptiens pour établir l’antiquité de la race juive, n’a pas pu trouver le moindre passage qui eût le plus léger rapport aux prodiges prétendus de Moïse, prodiges qui auraient dû être l’éternel entretien des Égyptiens et des nations voisines.

    4o Ni Hérodote, qui a consacré un livre entier à l’histoire d’Égypte, ni Diodore de Sicile, ne parlent d’aucun de ces miracles ridicules attribués à Moïse.

    5o Sanchoniathon, dont Eusèbe a recueilli les principaux passages, Sancho-