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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome28.djvu/230

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CHAPITRE XXXVII.

ouvertement dans ce parti qui était devenu le plus riche, fut obligé de quitter pour jamais Rome, dont le sénat le haïssait, et il alla établir le christianisme dans sa nouvelle ville de Constantinople.

Il avait donc fallu, pour que le christianisme triomphât à ce point, employer des ressorts plus puissants que cette crainte de la fin du monde, cette espérance d’une nouvelle terre et d’un nouveau ciel, et ce plaisir d’habiter dans une nouvelle Jérusalem céleste.

Le platonisme fut cette force étrangère qui, appliquée à la secte naissante, lui donna de la consistance et de l’activité. Rome n’entra pour rien dans ce mélange de platonisme et de christianisme. Les évêques secrets de Rome, dans les premiers siècles, n’étaient que des demi-juifs très-ignorants, qui ne savaient qu’accumuler de l’argent ; mais de la théologie philosophique, c’est ce qu’ils ne connurent pas. On ne compte aucun évêque de Rome parmi les Pères de l’Église pendant six siècles entiers. C’est dans Alexandrie, devenue le centre des sciences, que les chrétiens devinrent des théologiens raisonneurs ; et c’est ce qui releva la bassesse qu’on reprochait à leur origine : ils devinrent platoniciens dans l’école d’Alexandrie[1].

Certainement aucun homme de distinction, aucun homme d’esprit ne serait entré dans leur faction, s’ils s’étaient contentés de dire : « Jésus est né d’une vierge ; les ancêtres de son père putatif remontent à David par deux généalogies entièrement différentes. Lorsqu’il naquit dans une étable, trois mages ou trois rois vinrent du fond de l’Orient l’adorer dans son auge. Le roi Hérode, qui se mourait alors, ne douta pas que Jésus ne fût un roi qui le détrônerait un jour, et il fit égorger tous les enfants des villages voisins, comptant que Jésus serait enveloppé dans le massacre. Ses parents, selon les évangélistes, qui ne peuvent mentir, l’emmenèrent en Égypte[2] ; et, selon d’autres, qui ne peuvent mentir non plus, il resta en Judée. Son premier miracle fut d’être emporté par le diable[3] sur une montagne d’où l’on découvrait tous les royaumes de la terre. Son second miracle fut de changer l’eau en vin[4] dans une noce de paysans lorsqu’ils étaient déjà ivres. Il sécha par sa toute-puissance un figuier[5] qui ne lui appartenait pas, parce qu’il n’y trouva point de fruit dans le temps

  1. Voyez le chapitre suivant.
  2. Matth., chap. ii.
  3. Ibid., iv, 8 ; Luc, iv, 5.
  4. Jean, ii, 9.
  5. Matth., xi, 19 ; Marc, xi, 13.